Offre de gestion en crypto actifs

Offre de gestion en crypto-actifs

Introduction

À fin 2021, 8% des français ont déjà investi dans des cryptos[1] (à comparer aux 6,7% de détenteurs d’actions en direct en France[2]) et 12% à 16% des américains possèdent des crypto-actifs[3]. Quel que soit le continent, l’engouement des particuliers mais aussi des entreprises pour les crypto-actifs va croissant. Beaucoup achètent du Bitcoin et de l’Ether pour diversifier leurs investissements et s‘exposer aux crypto-actifs ou pour parier sur la hausse des cours.

Face à cette demande, l’offre s’organise et s’accélère. Ainsi des plateformes d’échange émergent et proposent des placements en crypto-actifs. Leur valorisation boursière s’envole et rivalise avec des acteurs financiers historiques[4]. En octobre 2021, le premier ETF Bitcoin de ProShares (BITO) a été introduit à la Bourse de New York[5]. En France, Coinhouse propose des plans d’épargne en crypto à 5% sur 3 mois[6].

Ces plateformes gagnent en respectabilité et s’installent durablement dans le paysage financier avec l’accord des organismes de place. Ainsi en France, Binance a rejoint en mai 2022[7], les 35 autres prestataires de services sur actifs numériques (PSAN) enregistrés à l’AMF. La société peut ainsi proposer ses services de conservation d’actifs numériques, d’achat/vente d’actifs numériques contre monnaie ayant cours légal, d’échange d’actifs numériques contre d’autres actifs numériques et d’exploitation d’une plateforme de négociation d’actifs numériques. Des acteurs plus traditionnels du secteur financier se font également enregistrer, à l’instar de la Banque Delubac, enregistré PSAN en mars 2022.

Une nouvelle classe d’actifs est née. Pour ceux qui en douteraient, il n’y a qu’à observer l’apparition en parallèle de produits dérivés sur crypto-actifs, signe qu’un marché de la volatilité, encore embryonnaire à ce stade, se met en place. L’AMF a par ailleurs conclu qu’un produit dérivé (options, CFD…) ayant pour sous-jacent un crypto-actif et se dénouant en espèces s’analyse en un contrat financier.[8]

Alors que la gestion d’actifs en crypto-actifs se développe dans plusieurs places financières (Allemagne, UK…), avec le soutien de leur législateur, les sociétés de gestion d’actifs françaises commencent à peine à se positionner sur ce type de gestion[9].

Le développement de la gestion des crypto-actifs en France est freiné par les réglementations actuelles. A titre d’exemple, les sociétés de gestion ne peuvent pas gérer des fonds ou des mandats investis à la fois en instruments financiers classiques et en crypto-actifs ou exclusivement en crypto-actifs. De plus, le cumul des services de sociétés de gestion régulées et de prestataires de services sur actifs numériques est à ce jour impossible[10].

La pluralité des régimes juridiques qui existent et en gestation aux échelons national et européen ne favorise pas la lisibilité de la catégorisation des crypto-actifs et des obligations pesant sur les acteurs évoluant dans cet écosystème. Ainsi :

  • La loi Pacte, en vigueur en France depuis 2019, instaure un cadre pour les levées de fonds par émission de jetons (ou ICO) ainsi que pour les PSAN proposant les services listés à l’article L54-10-2 du code monétaire et financier. Les services sur actifs numériques comprennent les services suivants :
    1. Le service de conservation pour le compte de tiers d’actifs numériques ou d’accès à des actifs numériques, le cas échéant sous la forme de clés cryptographiques privées, en vue de détenir, stocker et transférer des actifs numériques
    2. Le service d’achat ou de vente d’actifs numériques en monnaie ayant cours légal
    3. Le service d’échange d’actifs numériques contre d’autres actifs numériques
    4. L’exploitation d’une plateforme de négociation d’actifs numériques
    5. Les services suivants :
      1. La réception et la transmission d’ordres sur actifs numériques pour le compte de tiers
      2. La gestion de portefeuille d’actifs numériques pour le compte de tiers
      3. Le conseil aux souscripteurs d’actifs numériques
      4. La prise ferme d’actifs numériques
      5. Le placement garanti d’actifs numériques
      6. Le placement non garanti d’actifs numériques
  • La réglementation MiCA (Markets in Crypto Assets) qui a vocation à remplacer la loi Pacte à horizon 2023 / 2024, introduit notamment deux nouvelles catégories de crypto-actifs : les jetons de monnaies électroniques (« stable coins ») et les jetons se référant à des actifs (ART ou Asset Refrenced Tokens)
  • Enfin, le régime pilote (autre règlement européen) qui devrait entrer en vigueur en 2023, vise à encourager la numérisation des titres financiers. Il autorisera la cotation, l’admission à la négociation et le règlement livraison d’instruments financiers digitalisés (« security tokens ») au moyen de 3 types d’infrastructures reposant sur les technologies DLT : négociation (DLT MTF), règlement-livraison (DLT SS) et négociation et règlement-livraison (DLT TSS).

Cette fiche couvre la partie « actif » de l’activité des SGP, pour la partie « passif », voir la fiche : Impacts de la blockchain dans les process métiers.

QUELS SONT LES ENJEUX ?

Selon l’étude KPMG-ADAN de février 2022 citée précédemment, 30% des Français déclarent qu’ils envisagent d’investir dans des crypto-actifs, et 4 français sur 10 seraient intéressés par des placements en crypto-actifs si leur banque les leur proposait : le placement en crypto-actifs n’est plus un marché confidentiel ou de niche. Il s’est démocratisé au travers des plateformes d’échange de crypto-actifs comme Binance, Coinhouse, Ledger…

Il devient critique pour les SGP de :

  • Capter ses flux, pour qu’elles ne soient pas marginalisées 
  • Permettre aux clients de bénéficier de la diversification en crypto-actifs
  • Identifier les marchés à couvrir :  institutionnel et retail 
  • Pouvoir inclure des actifs numériques dans les fonds et les mandats d’investissement et de « tokeniser » les fonds d’investissement 
  • Participer au développement de modèles de valorisation de ces nouveaux actifs

Freins à lever

Les freins à lever pour démocratiser et favoriser le développement de ces nouveaux actifs sont connus :

  • Apporter des garanties de lutte contre la cybercriminalité, les risques de blanchiment et autres activités illégales (évasion fiscale…)
  • Réduire l’image négative véhiculée dans le débat public et la presse
  • Rassurer les utilisateurs contre les risques de perte de données, piratage, non accessibilité des données, non convertibilité, irréversibilité des transactions…
  • Établir des relations de confiance avec le secteur bancaire, comme faciliter l’accès à des services de dépôts et de paiements (droit au compte)
  • Traiter l’hétérogénéité de la fiscalité et du traitement des plus-values associés aux cryptoactifs

Cela passe par un service d’investissement en crypto dans un cadre régulé. Les régulateurs ont, en effet, un rôle à jouer pour accompagner la « tokenisation » inéluctable des instruments financiers en proposant un cadre de protection des investisseurs et de développement commercial pour les acteurs. Citons :

  • La réglementation MiCA qui va devenir en Europe, à horizon 2023/2024, le cadre de référence en matière de :
    • Sécurité juridique
    • Soutien à l’innovation
    • Protection des investisseurs
    • Garantie de la stabilité financière
  • La réglementation TFR (Transfer of Funds Regulation) qui élargit aux crypto-actifs les exigences liées aux transferts de fonds.

Autres enjeux

Au-delà de la création de nouvelles classes d’actifs, il s’agit d’une révolution dans l’échange de valeur sur internet avec également des enjeux forts de :

  • Stabilité financière : « 9 banques centrales sur 10 explorent les monnaies numériques de banque centrale (MNBC), et plus de la moitié sont en train de les développer ou de mener des expériences concrètes. En particulier, les travaux sur les MNBC de détail sont passés à des stades plus avancés. Le Covid-19 et l’émergence de « stable coins » et d’autres crypto-monnaies ont accéléré les travaux sur les MNBC – en particulier dans les économies avancées, où les banques centrales affirment que l’enjeu de stabilité financière les force à s’impliquer dans les MNBC. À l’échelle mondiale, plus des deux tiers des banques centrales estiment qu’elles sont susceptibles ou pourraient éventuellement émettre une MNBC de détail à court ou à moyen terme. Les travaux sur les MNBC de gros sont de plus en plus motivés par des raisons liées à l’efficacité des paiements transfrontaliers. Les banques centrales considèrent les MNBC comme capables d’atténuer les principaux problèmes tels que les heures de fonctionnement limitées des systèmes de paiement actuels et la longueur des chaînes de transaction actuelles »[11].
  • Impact environnemental : une transaction en bitcoin consomme 1 173 kW/h, c’est plus que la consommation énergétique moyenne d’un américain en un mois. En 2020, le minage mondial des cryptos a demandé plus d’énergie que la consommation totale de la Suisse sur une année[12]. Est-ce que des investissements « verts » ou une plus grande efficacité pourra résoudre ce problème ? Car tant que le prix du Bitcoin augmente, la récompense du minage augmente également au détriment de l’énergie consommée.
  • Souveraineté : le marché français est aujourd’hui fortement influencé par des acteurs étrangers, à l’instar des plateformes d’échanges précédemment citées. De plus, peu d’acteurs « historiques » du secteur de la conservation des titres se positionnent sur les sujets de teneurs de compte ou de conservation des actifs.
  • Formation des directions conformité des banques, compagnies d’assurance, organes de gouvernance, comités de direction : un important travail d’acculturation est à mener auprès des fonctions en prise directe avec ces nouvelles classes d’actifs. Cette acculturation devra gagner ensuite le reste de ces organisations car il est essentiel que l’ensemble des acteurs soit sensibilisé pour lever les freins notamment liés à une mauvaise compréhension du fonctionnement de la technologie et des possibilités de placements qu’elle permet.
  • Compétences à développer : les SGP ne doivent pas hésiter à se faire aider par une recherche externe auprès de cabinets spécialisé afin de bien identifier les types de profils à recruter.
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QUE FAIRE ?

Incontournables pour les SGP

  • Communiquer, éduquer et accompagner les investisseurs retail et institutionnel sur les enjeux, profils de risques et opportunités de rendement de ces nouveaux actifs
  • Créer des fonds tout en garantissant la sécurité des investisseurs et construire des portefeuilles mixant investissements classiques et des crypto-actifs que sont les[13] :
    • Security tokens comme des actions, obligations ou part de fonds tokenisés
    • Asset-referenced tokens : représentent des actifs physiques comme de l’immobilier
    • Utility tokens : tokens d’usage
    • E-money tokens : tokens dont la valeur est stabilisée car ils sont liés à une devise
    • Crypto monnaie comme le bitcoin ou ether
  • Offrir des services diversifiés : négociation / gestion sous mandat
  • Être enregistrées PSAN pour offrir les services liés à l’article L54-10-2 du CMF, sachant que le régime PSAN va basculer vers MiCA à horizon 2023/2024.

Intérêt d’une gestion d’actifs « tokenisés »

L’intérêt d’une gestion d’actifs « tokenisés » est réel et prend des formes multiples[14].

Pour les investisseurs

  • Bénéficier de la diversification en crypto-actifs réalisés par des professionnels de la gestion de portefeuille, sans être limité par des montants minimum d’investissement (fractionalisation)
  • Pouvoir traiter en temps réel 24/24 et 7/7 des souscriptions/rachats effectués sur une blockchain
  • Accéder aux opportunités de classes d’actifs difficilement accessibles (actifs réels) grâce à la tokenisation des fonds de capital investissement par exemple
  • Bénéficier de la sécurité apportée par le gestionnaire, en particulier en termes de contrôle des risques
  • Percevoir des revenus (dividendes, coupons) des cryptos actifs investis par les fonds ou mandats à un rythme mensuel, hebdomadaire voire journalier

Pour les SGP

  • Développer l’investissement en crypto-actifs afin de remplir leur mission de financement de l’économie et d’accéder à de nouveaux marchés d’emblée mondiaux (au travers de la tokenisation)
  • Être en lien direct avec l’investisseur final
  • Répercuter la réduction des frais de distribution liés à une distribution directe entre les sociétés de gestion et les investisseurs sur les frais de gestion du fonds
  • Bénéficier de la réduction du temps de traitement des opérations et du nombre de réconciliations manuelles
  • Profiter de la baisse des coûts opérationnels en raison de la réduction du nombre d’étapes de traitement de la gestion du passif des fonds

COMMENT ?

A l’international

La gestion en crypto-actifs existe aujourd’hui sur plusieurs places financières, soutenue par une législation favorable :

  • A Singapour : la législation autorise l’exemption fiscale des fonds pour attirer les gestionnaires d’actifs numériques, sous réserve que les fonds soient gérés par un gestionnaire de fonds singapourien et que d’autres engagements économiques soient satisfaits.
  • En Allemagne : la législation entrée en vigueur le 1er juillet 2021 soutient l’activité en matière de gestion en crypto-actifs et permet à environ 4 000 fonds dits spéciaux du pays d’investir dans des crypto-actifs. En vertu des nouvelles règles, les “Spezialfonds” allemands seront autorisés à investir jusqu’à 20% de leurs portefeuilles dans des crypto-actifs.
  • Au Royaume-Uni : la volonté est également de positionner la place londonienne comme une juridiction[15] favorable à l’innovation et en particulier aux crypto-actifs. Le gouvernement va ainsi modifier l’exemption relative à la législation sur les gestionnaires d’investissement pour y inclure les crypto-actifs. L’exonération permettra aux non-résidents du Royaume-Uni de mandater des gestionnaires d’investissement basés au Royaume-Uni sans avoir à payer d’impôt britannique. Les revenus ainsi générés par les fonds détenant des crypto-monnaies ne seront pas imposables au Royaume-Uni.

En France

Malgré un contexte législatif moins lisible en France, des premiers acteurs sont déjà positionnés pour offrir des services d’investissement proposant une exposition crypto.  Nous pouvons citer :

  • TOBAM : le gestionnaire d’actifs français Tobam a lancé, dès novembre 2017, un FPS 100% investi en bitcoins physiquement détenus, et en octobre 2021, le premier fonds français agréé par l’Autorité des marchés financiers sur la cryptomonnaie bitcoin et la technologie de la blockchain. Le fonds Tobam BTC Equity[16], éligible aux contrats d’assurance vie, mixe investissements en bitcoin et gestion actions appliquant une approche systématique. Le fonds alloue ainsi jusqu’à 10 % de ses actifs au fonds Tobam Bitcoin CO2 Offset Fund, dont l’exposition à la cryptomonnaie bitcoin est compensée en carbone. En outre, le fonds investit en actions internationales corrélées d’après la société de gestion aux variations de prix du bitcoin, ce afin d’intégrer la thématique de la blockchain à ce nouveau fonds. Il peut s’agir d’actions cotées d’entreprises ayant des activités commerciales liées au bitcoin, telles que le minage ou le courtage, ou celles détenant des bitcoins dans leur bilan.
  • EXOALPHA : société de gestion d’actifs spécialisée dans les investissements alternatifs, y compris les contrats à terme sur les actifs numériques, tirant parti de ses stratégies propriétaires pour améliorer l’alpha du portefeuille de ses clients. La société est connue comme pionnière dans les stratégies d’investissement quantitatives des contrats à terme sur les actifs numériques et a mis à profit son expertise pour couvrir les marchés présentant un niveau élevé de volatilité, tels que les actions sur marchés émergents et les matières premières.
  • COIN SHARES[17] est composé de deux entités :
    • CoinShares Asset Management : société de gestion offrant des produits exposés à la performance de crypto-actifs régulée par l’AMF et s’adressant à un public professionnel et institutionnel
    • CoinShares Software : spécialisée dans le logiciel de trading de gestion crypto-actifs mis à la location pour une clientèle retail
  • Notons également que l’univers des crypto-actifs se structure en termes de « données et analyse de marchés ». Des fournisseurs de données comme KAIKO proposent des informations de marché à un niveau transactionnel ou plateforme d’échanges : données historiques sur une période, données temps réel, des métriques de risques (VaR) et des analyses de marché.

Enfin, nous pouvons mentionner que les banques (notamment les « desks capital markets ») se dotent de compétences et produisent des analyses sur les marchés des crypto-actifs, à l’image des lettres de marché sur les classes d’actifs traditionnels.

STRATEGIES D’INVESTISSEMENT

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Stratégies des fonds spéculatifs et classiques

Les stratégies adoptées sont multiples. Ainsi, à titre d’exemple, ExoAlpha propose une stratégie d’investissement de type « directionnel systématique » en appliquant une approche « long/short » et des multi stratégies de négociation sur actifs numériques.

Les gérants traditionnels notamment aux US, abordent ces investissements au travers d’ETF. Ainsi, Fidelity[18] a lancé des fonds ETF crypto (Fidelity Crypto Industry, Digital Payments ETF (FDIG)…) en avril 2022. Bien que ces produits n’offrent pas d’exposition directe à la cryptomonnaie, ils permettent d’investir dans des sociétés impliquées dans le minage, le commerce de cryptomonnaies, ou la technologie blockchain. Les investisseurs individuels et les conseillers financiers peuvent les acheter sans commissions sur les plateformes de courtage en ligne de Fidelity.

Enfin, Fidelity est allé encore plus loin dans la démocratisation des cryptos (et notamment du bitcoin) en tant qu’instrument d’épargne. Elle propose en effet aux employés du journal « New York Times » détenteur d’un plan 401 (k)[19] d’opter pour conserver sur leur compte des bitcoin au lieu de dollars et inversement[20].

Stratégies de type partenariat

La société BlackRock a investi 400 USD Millions dans CIRCLE, le principal opérateur de la pièce UDC (USDC), « stable coin » lié au dollar. Au-delà de l’investissement stratégique, et du fait de devenir le principal gestionnaire d’actifs des réserves de liquidités de l’USDC, ce partenariat vise spécifiquement à explorer les applications du marché des capitaux pour l’USDC.[21]

Stratégies de couverture

De nombreuses entreprises se font payer en cryptomonnaies (bitcoin, ether…) en échange de marchandises dans certaines régions du monde, accumulant ainsi un capital dans cet actif. Le besoin de valorisation des bilans dans une devise comptable pour procéder par la suite à la certification des comptes, fait qu’il y aura un besoin de convertir les montants en cryptos dans la devise comptable du bilan. La direction financière voudra autant que possible maîtriser le cours de conversion de la cryptomonnaie en devise. Cela pose la question d’instruments de couverture des cryptomonnaies. Incontestablement, ces instruments vont constituer un formidable terrain de développement pour les « fabricants » d’instruments financiers.

L’ENJEU DE L’ACULTURATION

Offrir une gestion en crypto-actifs suppose de maîtriser le fonctionnement de la technologie Blockchain et de l’écosystème de la Finance décentralisée (Voir la fiche : Impacts de la blockchain dans les process métiers). 

Des acteurs comme Meria [22], société spécialisée dans les cryptomonnaies et la blockchain, ont pour principal objectif de rendre ces technologies accessibles au plus grand nombre. Aujourd’hui, Meria s’est imposé sur le marché des investissements annexes dans l’univers des cryptomonnaies dans les pays francophones et propose plusieurs solutions d’investissement qui se regroupent en trois segments :

  • le staking : opération permettant aux détenteurs de cryptomonnaies de bloquer leurs tokens sur un wallet ou sur une plate-forme, afin de percevoir des gains sur une période donnée
  • les masternodes : l’investisseur est récompensé de son investissement dans le nœud, dès lors que celui-ci effectue, valide et transmet des transactions sur le réseau
  • le mining : le mineur reçoit une quantité prédéterminée de bitcoin lors de la création de nouveaux bitcoins en résolvant des équations mathématiques complexes de vérification des transactions dans la devise

Des partenariats peuvent être recherchés avec ce type d’acteurs afin de s’acculturer sur le fonctionnement de la technologie blockchain (« smart contracts », « mining » …).

LES DAO

De même, les organisations autonomes décentralisées[23]. peuvent également servir à démocratiser la technologie et éduquer les investisseurs. Il s’agit d’une organisation décentralisée et autonome gérée à l’aide de contrats intelligents (« smart contracts »), rassemblant des individus et des capitaux. C’est une nouvelle manière d’organiser un groupe autour d’un même projet, d’un but commun. Notons que la question de leur statut juridique devrait prochainement émerger dans les débats des législateurs.

A titre d’exemple : Stake DAO[24] est une plate-forme non-dépositaire où il est possible de développer, suivre et contrôler ses actifs directement depuis son portefeuille (« wallet »). 

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ET L’ESG DANS TOUT ÇA ?

Au titre de l’utilisation de la technologie blockchain, l’offre d’investissement en crypto-actifs soulève des problématiques d’impact environnemental avérées (Voir la fiche : Impacts de la blockchain dans les process métiers). Cependant, cette technologie permet en même temps des possibilités d’investissement servant l’atteinte des ODD, notamment en matière d’inclusion financière.

Ainsi, l’assertion selon laquelle la technologie blockchain est très énergivore est à nuancer, en fonction du type de protocoles utilisés. La consommation d’énergie est variable selon qu’on utilise le protocole de consensus « Proof of Work » (POW) ou « Proof of Stake » (POS).  Plusieurs études tendent à montrer que le protocole de consensus POS est moins énergivore que le POW[25]. Il est intéressant de noter que la version initiale de MiCA, au travers de l’article 61, voulait interdire le protocole de « Proof of work » car jugé trop énergivore. La suppression de cet article n’est cependant pas une victoire pour les mineurs crypto, car d’autres mesures ont été prises pour encadrer la consommation d’électricité et des normes de durabilité ont été imposées.

En matière d’investissement à impact, une forme d’utility token peut se révéler être un instrument efficace et contribuer à atteindre les objectifs de développement durables. Il s’agit des « impact tokens ».

Jeton à impact (« Impact token »)[26]

Les jetons à impact contribuent aux ODD des Nations Unies et représentent souvent un impact spécifique sous la forme d’une métrique de mesure telle que le nombre de vaccinations, de tonnes de dioxyde de carbone ou le nombre d’enfants scolarisés. Ces jetons sont enregistrés sur une blockchain et peuvent être suivis tout au long d’une chaîne d’approvisionnement. Ils offrent la preuve qu’un impact positif a été produit, qui peut ensuite être attribué à une activité ou à un investissement particulier. 

A titre d’exemple, le projet Moeda contribue à l’objectif d’inclusion financière. Moeda est une plateforme d’investissement coopératif mettant en relation les investisseurs à impact directement avec les petites entreprises qui promeuvent les ODD. La technologie Blockchain garantit la transparence des projets pour les investisseurs qui peuvent investir directement avec des jetons numériques et suivre leurs impacts. Les objectifs sont de permettre aux entreprises locales rencontrant des difficultés à trouver des financements via le système bancaire traditionnel de lever plus facilement des capitaux et d’éliminer les préjugés sexistes contre les projets dirigés par des femmes.

La plateforme Moeda dispose de deux portails : un pour les investisseurs qui répertorie tous les projets d’amorçage qu’ils peuvent directement financer et un pour les entrepreneurs qui recherchent des financements. Les projets répertoriés contribuent tous directement aux ODD.

Les jetons d’impact ont ainsi le potentiel de débloquer l’investissement nécessaire pour atteindre les ODD en offrant confiance, transparence, faibles coûts de transaction et données d’impact mesurées et vérifiées.

Même si le déploiement de cryptomonnaies à l’échelle d’un Etat (exemple du Salvador, de la République centrafricaine…) est encore très récent, et qu’il manque encore des statistiques vérifiées, force est de constater l’augmentation de la financiarisation au travers des cryptos de populations jusque-là écartées des circuits bancaires traditionnelles ainsi que la croissance des remises utilisant les cryptos[27].

Enfin, la représentativité des femmes dans le secteur de la blockchain est un véritable handicap pour le secteur qui se prive d’une diversité de points de vue dans la conception des applications liées à la blockchain mais aussi en matière de compétences, et ce d’autant plus que le secteur anticipe une forte croissance à court et moyen terme.  

Représentativité des femmes dans l’univers crypto

23% des femmes travaillent dans les métiers du digital[28]. Nous sommes loin de la parité. Et le secteur de la blockchain ne fait pas exception. Peu présentes en tant qu’investisseuses (environ 40%), les femmes le sont encore moins dans les entreprises du secteur[29]. A l’instar d’autres industries liées à la technologie (par exemple les systèmes d’information ou le logiciel) connaissant un déséquilibre chronique en matière de parité hommes-femmes, il est essentiel de pallier cette sous-représentativité rapidement dans le secteur crypto si celui-ci veut refléter la diversité des points de vue de la société dans son ensemble. Des figures féminines montrent l’exemple (comme Claire BALVA de BlockChain Partner, Sajida ZOUAHRI de Consensys ou Ambre SOUBIRAN de Kaiko), des collectifs se mettent en place (World Of Women, Surge…) mais le défi demeure : comment accroître l’appétence des filles pour les filières numériques et blockchain en particulier du lycée jusque dans la vie en entreprise ? 

LE COIN DE LA START UP ET DE L’INNOVATION

  • DFi Labs est un gestionnaire d’investissement quantitatif en actifs numériques qui propose notamment Smart Beta, une stratégie indicielle optimisée avec une exposition dynamique au marché sur un ou plusieurs actifs numériques :
    • offrir aux particuliers fortunés, aux family offices et aux institutions financières la possibilité d’atteindre leurs objectifs d’investissement en déployant des capitaux dans cette nouvelle classe d’actifs
    • dégager des rendements constants ajustés au risque dans tous les environnements de marché en utilisant les meilleures pratiques établies en matière d’investissement quantitatif tout en tirant parti des nouvelles technologies de science des données et d’apprentissage automatique au sein de systèmes d’exécution de pointe.
  • KAIKO : le Bloomberg de la crypto[30]. « Fondée en 2014, Kaiko est une start-up française qui collecte, normalise, stocke et distribue des données liées au marché des actifs numériques à une centaine de clients institutionnels et universitaires. Elle compte, parmi ses clients, ChainalysisLedgerPaxos, mais aussi le MIT et Harvard. Les données compilées et distribuées par Kaiko recouvrent plus de 10 000 paires d’actifs numériques sur plus de 70 exchanges, avec de nouvelles intégrations chaque semaine. La firme s’est donnée pour mission de devenir le socle de la finance numérique, en servant de source unique pour les informations de marché ».
  • WOORTON a été fondée en 2017. Depuis, Woorton est devenue un teneur de marché servant des centaines de contreparties dans le monde et fournissant des liquidités à tous les acteurs du marché des actifs numériques. Woorton assure la fourniture de liquidités pour soutenir le fonctionnement ininterrompu des marchés de la crypto permettant aux contreparties d’acheter ou vendre n’importe quel actif numérique dans toutes les conditions du marché.
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CONCLUSION

Gartner considère que les crypto-actifs et la technologie blockchain sont entrés dans la phase d’adoption[31].

L’appétence des Français pour les crypto-actifs s’inscrit dans la durée, 22% d’entre eux envisagent de changer de banque pour une banque proposant des services crypto[32].

Même s’il reste des chantiers à traiter et des défis à relever, comme :

  • Acculturer les investisseurs, le grand public ainsi que les acteurs financiers pour atteindre une meilleure connaissance et compréhension du fonctionnement des classes de crypto-actifs et de la technologie blockchain
  • Aligner la fiscalité des crypto-actifs sur celle des instruments financiers
  • Clarifier la nature juridique des actifs numériques et faire avancer une homogénéisation de la qualification juridique des crypto-actifs dans l’UE
  • Disposer d’un moyen de paiement reconnu pour favoriser l’émergence de solutions blockchain, sous forme de MNBC, ou d’un actif de règlement.
  • Lever le blocage des acteurs bancaires vis-à-vis des initiatives s’appuyant sur la blockchain
  • Imposer un cadre réglementaire similaire aux acteurs de la finance décentralisée proposant des services de gestion d’actifs
  • Traiter le point de la lutte anti-blanchiment, en apprenant et en s’appuyant par exemple sur des acteurs comme ChainAnalysis, FireBlock…
  • S’assurer que la gestion de portefeuille pour compte de tiers fait bien partie des services en crypto-actifs dans le cadre de la version finale de la réglementation européenne, et amorcer une réflexion pour intégrer la notion « d’organismes de placement collectif tokenisé »

L’offre de gestion en crypto-actifs n’est plus une option pour les SGP. Ce sont des actifs qui doivent faire partie de leur palette d’investissement à destination des clients.

Il est d’autant plus urgent pour les SGP d’investir ce terrain que :

  • Ils sont « les professionnels » de la gestion d’actifs et qu’ils offrent toutes les garanties et protection pour les investisseurs. Ils sont les mieux à même d’informer et de conseiller eu égard à la forte volatilité et du risque de pertes possibles sur ce type d’actifs.
  • La gestion en crypto-actifs génère des revenus en croissance
  • De nombreuses juridictions et pays se sont lancés et font évoluer leur cadre législatif afin qu’il devienne favorable aux investissements en crypto-actifs
  • L’innovation ne s’arrête jamais avec notamment la production massive d’actifs numériques de plus en plus singuliers comme les NFT (« Non Fungible Tokens »)

Cela demande que les SGP se professionnalisent sur le sujet en :

  • Se formant, en testant les mécanismes de la blockchain et en se familiarisant avec les offres cryptos existantes. Le développement de ces compétences est essentiel pour prodiguer du conseil en investissement sur ces actifs
  • Créant des partenariats avec des plateformes ou en s’acculturant avec les acteurs de la Finance Décentralisée
  • S’associant avec des acteurs déjà plus avancés…

Ce qu’il faut retenir

L’émergence des crypto-actifs a provoqué la naissance d’une nouvelle classe d’actifs. Alors que l’utilisation des crypto-actifs se développe sur plusieurs places financières avec l’aide du législateur, les sociétés de gestion françaises peinent à se saisir pleinement des avantages de la maîtrise de cette nouvelle classe d’actifs. Malgré la pluralité des régimes juridiques qui existent aux échelons national et européen, il est important de pouvoir offrir des services en crypto-actifs aux investisseurs, d’autant plus que 30% des français déclarent envisager d’investir dedans.