Améliorer l’efficience des fonctions support

Améliorer l’efficience des fonctions support

Introduction

La transformation du modèle opérationnel est aujourd’hui un impératif pour les sociétés de gestion (SGP). Plus des deux tiers d’entre elles estiment que le changement de modèle opérationnel est l’un des principaux leviers d’efficacité à actionner si elles veulent en tirer le plus de bénéfices[1].

Ce changement est rendu nécessaire non seulement pour répondre à l’évolution des besoins de leurs clients mais aussi pour répondre au durcissement de la réglementation, faire face à la pression sur leurs marges, redynamiser leur gamme de produits, améliorer l’efficacité de leurs processus et systèmes d’information, maîtriser la gestion de leurs risques…

Cette fiche se focalise sur l’usage des innovations technologiques dans l’amélioration de l’efficience opérationnelle des fonctions middle, back office et conformité.

Définition[2] des fonctions middle/back Office et conformité

Middle-Office – Reporting

Traitement administratif des transactions / Tenue de positionsResponsable Middle-OfficeLe responsable Middle-Office assure le traitement administratif des opérations de marché initiées par le front office, suit les statuts d’appariement et de dénouement de ces opérations et en vérifie le bon déroulement entre les négociateurs, le dépositaire et la comptabilité. Il transmet également les Informations aux valorisateurs.
Reporting et analyse/attribution de la performanceResponsable « reporting clientèle »Le responsable « reportlng clientèle » prend en charge, en étroite liaison avec les équipes commerciales et les gérants, l’établissement des comptes-rendus de gestion (reportlng) destinés à la clientèle à partir de données d’origines diverses, Internes et externes. Il participe à la création et à l’évolution du maquettage des documents.
Analyste « performances »L’analyste « performances » est en charge de l’analyse et de l’attribution de la performance des fonds. Il produit aussi le reportlng de performance des portefeuilles. Il peut également produire des études quantitatives ponctuelles, des mesures et analyses qualitatives et quantitatives de performance à destination des gérants, commerciaux, ou du service « Appel d’offres ».

Back-office – Administration de fonds

Compatibilité des portefeuillesResponsable Back-OfficeLe responsable Back-Office assure les traitements administratifs, comptables et fiscaux qui permettent la mise en place et l’enregistrement comptable des opérations conclues sur les marchés par le front office dans le respect de la réglementation.
Comptable OPCVMle comptable OPCVM comptabilise et valorise les titres détenus dans le portefeuille de l’OPCVM. Il enregistre quotidiennement toutes les opérations de gestion effectuées par les gérants. Il établit les documents comptables de synthèse.
ValorisationValorisateurLe valor1sateur assure la valorisation ligne à ligne des portefeuilles, calcule les frais de gestion et établit selon une périodicité prédéterminée la valeur liquidative des parts de l’OPCVM.
Traitement juridique des portefeuillesJuristeCes juristes ont la charge des relations avec les autorités de tutelle pour les produits offerts par la SGP et, d’une manière générale, assurent le suivi des relations avec tout tiers (dépositaire. CAC. etc.) dans ce cadre. Ils élaborent et/ou négocient les différents types de contrats se rattachant à l’activité « produits » (contrat de gestion, de conseil de mandat. de délégation de gestion financière et comptable, convention dépositaire, contrats de liquidité …). Ils participent de même à la veille réglementaire afférente aux produits.

Contrôle

Contrôle des risques de marchéResponsable du contrôle des risques de marchéLe contrôleur des risques assure la surveillance prudentielle des risques de marché, de taux et de liquidité des portefeuilles sous gestion. Il contribue à leur mesure et à leur maîtrise, en vérifiant le respect des limites (des ratios) et notifie, si besoin, les éventuels dépassements de celles-ci. Il vérifie que la société de gestion respecte la politique de gestion affichée. Il effectue pour cela un contrôle de deuxième niveau sur le respect des procédures opérationnelles des gérants.
Contrôle interne / Conformité DéontologieResponsable du contrôle interne et de la conformité (RCCI)Le RCCI s’assure du respect des obligatlons professionnelles (règles légales, réglementations ou codes professionnels) propres à l’exercice des services d’lnvestissement fournis par la SGP, des engagements contractuels liés à l’exercice de ces services et des décisions prises par l’organe de direction. Il met en place, surveille et contrôle les règles de bonne conduite. Sa mission peut également Inclure celle de déontologue et celle en charge de la lutte anti-blanchiment.
AuditResponsable de l’audit interneL’auditeur Interne certifie la régularité de la gestion de l’entreprise relativement au suivi des procédures, en lien avec ses objectifs. Pour cela. Il évalue par une approche systématique et méthodique, les processus de management des risques, de contrôle, et de gouvernance d’entreprise.
Source : AFG 2017

Une clientèle et des besoins en mutation

Traditionnellement, les produits et services des SGP s’adressent à deux grandes catégories de clients :

  • Les clients professionnels : banques, compagnies d’assurance, fonds de pension, organismes de placement collectif (OPCVM et FIA), caisses de retraite…
  • Les clients non professionnels : particuliers grand public, particuliers haut de gamme, petites entreprises…

Les clients tendent à être plus exigeants et à avoir des besoins plus personnalisés. L’évolution du profil client nécessite donc une granularité plus grande dans les données et services, amenant le délicat sujet de l’arbitrage entre un service « standardisé » et un service « sur-mesure ».

Durcissement de la réglementation

Les SGP sont ainsi poussées à doter leurs fonctions MO/BO des outils nécessaires à la production de Reporting conformes à la fois aux réglementations et aux demandes des clients :

  • Solution de reporting industrialisable standardisée : à destination des clients non professionnels
  • Solution de reporting sur-mesure : à destination principalement de la clientèle professionnelle

Tout en répondant aux contraintes réglementaires, une bonne qualité des données est une nécessité pour rester compétitif et en conformité avec les obligations légales tout en assurant un service de meilleure qualité. S’y ajoutent les exigences d’un accès plus rapide et direct à la donnée, via l’accès à des fichiers de données brutes ou à des plateformes de self-servicing.

Une pression sur les marges

Les obligations de transparence (notamment sur les frais de gestion et la mesure de la surperformance) et la pression concurrentielle (augmentation du nombre de produits à faibles frais de gestion et ETFs) accentuent la pression sur les marges. L’évolution des frais de gestion des fonds communs de placement illustre cette tendance[3].

Le fort développement des nouvelles technologies

En lien avec le développement fort des nouvelles technologies, la gestion d’actifs est engagée dans une transformation en profondeur et aborde une nouvelle étape de son développement en investissant pour renforcer l’efficacité de ses modèles opérationnels. Notons également l’adoption croissante à l’échelle internationale d’une architecture cloud par les acteurs de la gestion d’actifs.

Toutefois, l’utilisation des modèles algorithmiques reste encore limitée. Selon l’étude BNY de 2020, les raisons en seraient pour 54% des sondés une trop grande complexité des données, ainsi qu’une obsolescence des plateformes existantes de gestion de données et pour 52% le manque d’outils analytiques pour couvrir les données de type non structurées[4]. Ce retard est de plus accentué par un fonctionnement des outils/procédures en silos, qu’il convient de décloisonner.

Quels sont les constats et les enjeux ?

Au cours des trois dernières années, la majorité des directions des opérations des grandes sociétés de gestion a initié des changements majeurs sur leur modèle opérationnel avec un focus particulier sur l’amélioration et l’automatisation des processus des fonctions middle, back office et conformité (fonction opérationnelles middle/back et fonctions de contrôle post-trade).

Les constats

Les directions des opérations des SGP reconnaissent que le traitement des opérations devra radicalement changer dans les prochaines années pour soutenir les orientations stratégiques des sociétés de gestion.

Les transactions complexes

  • Du passage d’ordre à la valorisation, les actifs et les transactions complexes mettent à l’épreuve les limites de nombreuses activités de BO/MO. Les technologies existantes, qui ont pu être construites ou configurées pour traiter les actions et les obligations sont généralement ensuite adaptées pour prendre en charge les produits dérivés et/ou les actifs alternatifs voire numériques. Les processus manuels mis en œuvre occasionnent généralement des ruptures dans les chaines d’alimentation, générant des divergences de réconciliation avec les systèmes en aval.
  • L’industrie de la gestion d’actifs fait face à l’accroissement des volumes d’actifs par zone géographique. Mécaniquement, les fonctions middle et back office rencontrent des difficultés croissantes, pour prendre en charge ces nouveaux produits et ces nouvelles zones géographiques, dues à la complexité de traitement de l’information dans des langues et juridictions différentes. Elles doivent donc se doter des outils nécessaires pour répondre non seulement à des exigences réglementaires multiples mais aussi dans des langues différentes. Sur ce second point, le recours au Machine Learning et à la NLP (Natural Language Processing) leur permet de se doter d’outils pour répondre aux exigences en matière de screening et de reporting multi-langues.

Gestion d’actifs Active vs. Passive

  • Gestion passive : la gestion passive repose sur des processus plus standardisés, l’utilisation des nouvelles technologies de type Machine Learning y est plus simple à mettre en œuvre.
  • Gestion active : la gestion active nécessite une connaissance du marché en temps réel et des processus et outils plus complexes, l’utilisation des nouvelles technologies de type Machine Learning est possible pour certaines classes d’actifs comme les actions par exemple.

Depuis 2016, la part d’actifs sous gestion passive tend à s’accroître. Au niveau mondial, elle est passée de 17 à 21% entre 2016 et 2020 et les projections l’estiment à 25% en 2025.[5]

Gestion liquide vs illiquide[6] :

  • Gestion Mark-to-market : porte essentiellement sur des actifs liquides avec des prix en « mark-to-market » sur la base du prix du marché
  • Gestion mark-to-model : porte essentiellement sur des actifs moins liquides/illiquides ne disposant pas d’un marché assez large/mature pour disposer de prix en « mark-to-market ». Elle consiste à attribuer la valeur des actifs via des modèles financiers, d’où les problématiques de benchmark spécifiques pour la mesure de performance induisant davantage de complexité dans la gestion et la création de produits.

Les fonds illiquides ayant des stratégies d’investissement long terme et une promesse de rendement plus élevée sont confrontés aux aléas de rachats des clients en temps de turbulences (ex Brexit…). Cela rend la gestion des fonds illiquides très manuelle, et peu éligible à l’automatisation ou à l’optimisation des processus.

Les enjeux

L’innovation technologique entraîne des changements profonds sur l’ensemble de la chaîne de valeur des sociétés de gestion, de la personnalisation du conseil en investissement jusqu’à l’automatisation des processus de middle et back office.

Investir dans les nouvelles technologies et saisir les opportunités d’innovation

En investissant dans les nouvelles technologies, les sociétés de gestion améliorent chaque élément de la chaîne de valeur. Pour l’administration d’actifs par exemple, les sociétés de gestion réduisent leurs coûts et améliorent l’efficacité de leurs modèles en investissant dans les nouvelles technologies[7].

  • RPA : permet un gain d’efficacité sur les tâches à faible valeur ajoutée grâce à l’utilisation d’une main-d’œuvre virtuelle (RPA) capable d’exécuter avec précision des processus répétitifs. D’après le sondage mené par Accenture, 52% des SGP interrogées déclarent avoir intégré la RPA dans leurs opérations (gestion de données/transactions/trésorerie) parmi lesquels 82% indiquent que la RPA a atteint les objectifs fixés.
  • No code/Low code : permet la mise en place de processus digitalisés ne nécessitant pas (ou peu) de compétences en code et offre des solutions techniquement accessibles, une rapidité d’exécution et une résolution facile des problèmes techniques liés au code.
  • Intelligence artificielle (IA) : permet une diminution de l’intervention humaine et donc du risque d’erreur lors de l’exécution des contrôles, et des coûts. Son utilisation, plutôt avancée en front office, l’est moins dans les middle et back office des SGP.
    Parmi les techniques de Data Science, le Machine Learning (ML) est la plus citée et permet d’améliorer les modèles opérationnels des fonctions middle, back office et conformité, par l’automatisation des processus et activités. Le Natural Language Processing (NLP) permet le Traitement Automatique du Langage (TAL) grâce à l’application des procédés de Machine Learning. Cette technique se divise en 2 catégories :
    • Le NLU (Natural Language Understanding) permettant la compréhension des textes.
    • Le NLG (Natural Language Generation) permettant la production de textes à partir de données. L’utilisation de l’IA dans les fonctions middle/back a un impact majeur sur les activités de réconciliation, gestion des transactions, gestion des risques, gestion de la donnée, conformité, fiscalité[8]
  • DLT et Blockchain : permettrait de diminuer les efforts de réconciliation avec une base de données fiable, partagée et décentralisée, de réduire les coûts, les délais et de redistribuer le partage de la chaîne de valeur (Voir la fiche : Impacts de la blockchain dans les process métier)
  • Le cloud : selon l’enquête mondiale 2021 de Linedata sur la gestion des actifs[9], 58% des entreprises «buy-side» s’accordent à dire que la pandémie a stimulé les plans d’adoption du cloud. En 2021 seuls 5% des gestionnaires ne prévoient pas de transition vers le cloud, contre 53% en 2019. Pour les sociétés de gestion, l’adoption du cloud permet une plus grande centralisation des données, une plus grande efficacité, une plus grande évolutivité et une meilleure accessibilité.

Les SGP expérimentent déjà de nouvelles technologies, telles que l’automatisation des processus (RPA), mais également l’IA et la technologie des registres distribués (DLT). De ces deux dernières technologies, l’IA affectera probablement le secteur en premier. Quant à la DLT, elle mettra plus de temps à se mettre en œuvre mais sera probablement à l’origine de changements plus structurants à moyen et long terme.

Automatisation in-house vs externalisation

Les grandes sociétés de gestion sont davantage disposées à automatiser in-house leurs opérations ou à externaliser à un prestataire tandis que les petites sociétés de gestion préfèreront externaliser leurs fonctions middle, back office et conformité aux grandes sociétés de gestion ou à de nouveaux global service centers qui émergent et traitent des activités de KYC, d’agent de transfert, de traitement des ordres, de reporting et de fiscalité. Il est important de noter que les SGP qui font appel à des prestataires peuvent les inciter également à se digitaliser pour diminuer les coûts (Voir la fiche : Stratégies organisationnelles et innovations technologiques).

Mais les avancées en la matière chez les SGP font état d’une course à deux vitesses :

  • Les grandes sociétés de gestion sont dans une logique de « test-and-learn », avec une RPA bien établie et des applications déployées en matière d’IA
  • Les petites sociétés de gestion sont contraintes d’externaliser l’automatisation des outils/process (par exemple pour la partie contrôle des risques) aux Fintechs spécialisées afin d’alléger les coûts d’investissements, d’autant plus que la multiplication des Fintechs dans ce domaine entraine une pression concurrentielle sur la qualité/coûts des services favorable au SGP.

De plus, le phénomène d’externalisation continue de gagner du terrain au sein des sociétés de gestion cherchant à rationaliser leurs opérations et à accroître leur efficacité, même si un sujet de réflexion autour de la ré-internalisation des activités émerge, favorisé par de multiples facteurs (Voir la fiche : Stratégies organisationnelles et innovations technologiques).

L’évolution des profils middle/back officers

D’après un sondage[10] réalisé auprès de 64 SGP pour connaître leur point de vue sur la digitalisation croissante du secteur et son impact sur l’évolution des compétences clés attendues, d’ici 5 ans la compétence clé attendue sera la maitrise des data science pour plus de 60% d’entre elles. La même étude cite le rapport World Economic Forum’s Future of Jobs 2018 selon lequel 56% des entreprises de services financiers prévoient une réduction de leurs effectifs en raison de l’automatisation entrainant leur redéploiement dans des tâches à plus forte valeur ajoutée. Les SGP ont donc un double objectif :

  • Renforcer leur attractivité pour capter les nouveaux talents ayant des compétences en développement (maîtrise de langages de programmation comme Python par exemple)
  • Former les collaborateurs à la digitalisation croissante des métiers de MO/BO (Voir la fiche : Adaptation du capital humain et gestion du changement).
Améliorer l’efficience des fonctions support

Que faire ?

Les responsables des opérations des SGP estiment que plusieurs mesures seront nécessaires pour transformer leurs activités et relever les défis liés à la digitalisation et à l’automatisation croissante des processus et métiers MO/BO. Pour qu’elle porte ses fruits, cette disruption exige de mettre l’accent sur la capacité d’innovation interne aux SGP. Ces transformations auront un impact inévitable sur plusieurs niveaux du cycle des investissements (Voir la fiche : Nouveaux usages technologiques dans le cycle d’investissement).

Faire évoluer les anciennes technologies sur lesquelles reposent les activités des fonctions middle et back office

Il s’agit là d’un défi majeur pour de nombreuses sociétés de gestion. Les systèmes d’information existants limitent la croissance et l’évolutivité en raison de technologies anciennes et d’un nombre important de processus manuels. A ce titre, les sociétés de gestion doivent lancer des initiatives de mise à niveau ou de remplacement de leurs systèmes par de nouvelles plateformes interopérables.

  • Mise à niveau des systèmes anciens (legacy) : c’est un défi majeur pour les SGP dans leur effort d’amélioration de l’efficience opérationnelle des MO/BO. Les SGP tentent donc de moderniser ces systèmes par de nouvelles solutions interopérables (connexion API et cloud). Dans la même étude, Accenture révèle que 42% des responsables opérationnels ont lancé des initiatives de modernisation de ces anciens outils de BO/MO.
  • Collaboration active entre acteurs : les nouvelles technologies permettent de rendre plus efficients et d’automatiser les processus autour de la gestion de collatéral et le règlement-livraison, par exemple. Ceci nécessite, entre autres, une collaboration active de l’ensemble des acteurs de l’écosystème des sociétés de gestion, incluant les prestataires de services externes, les brokers-dealers et les Fintechs. Par exemple, l’éditeur Arpson a développé son offre N3 de gestion du collatéral adressée aux SGP afin d’améliorer leur efficacité opérationnelle. « Le contractant peut ainsi définir la convention du collatéral dans le système en identifiant la convention (CSA), le tiers et en affectant automatiquement les conventions aux opérations de marché, suivant les règles prédéfinies. Il peut également paramétrer les conditions de rémunérations de la garantie en indiquant le niveau de déposit initial, les échelles d’intérêts, la périodicité de calculs et le type de taux retenu. »[11]
  • Une qualité de la donnée maitrisée est essentielle pour pouvoir faire évoluer les anciens systèmes d’information et mettre à niveau les nouveaux flux de données.

Assurer une conformité aux nouvelles exigences réglementaires

Pour assurer une conformité aux nouvelles exigences réglementaires, les sociétés de gestion ont souvent recours à des ressources externes consacrées à la conformité, à la gestion des risques et au contrôle interne. Ces ressources induisent une hausse des charges alors même que les frais de gestion sont en baisse. L’usage de l’innovation technologique dans la fonction conformité représente une réelle opportunité de maîtrise des risques et de réduction des coûts pour les sociétés de gestion.

  • Les Regtechs[12], qui reposent sur l’IA, proposent ainsi d’améliorer la gestion des exigences réglementaires et de réduire les coûts qui y sont liés au moyen de deux leviers : l’automatisation de la fonction conformité et la mise en place de systèmes d’alerte efficients et en temps réel.
  • Les solutions qu’elles proposent couvrent un large champ d’application, allant de l’identification des clients (KYC), l’automatisation des reportings, le screening des réglementations pour une veille règlementaire active, la gestion des risques, le contrôle des fraudes financières et la gestion de la conformité. En concentrant leurs efforts sur l’innovation et le développement de nouvelles solutions s’appuyant sur les technologies d’IA, de ML et de Blockchain, les Regtechs en particulier et plus généralement les Legaltech illustrent la digitalisation des services juridiques au service des clients institutionnels et retail.

Arbitrer entre l’automatisation des processus in-house ou l’externalisation des activités

Les SGP sont nombreuses à avoir réévalué leurs priorités et opté pour l’externalisation des outils et processus, notamment pour les activités MO/BO, afin de concentrer leurs efforts sur leurs compétences clés et leur cœur d’activité de gestion et réduire les coûts d’investissements technologiques sur leurs systèmes d’information. Cependant, cette tendance est à nuancer car, la résilience des équipes en télétravail lors de la crise sanitaire d’une part, et la robustesse accrue couplée aux coûts avantageux des innovations technologiques d’autre part, posent avec acuité la question de l’intérêt de l’outsourcing et d’une éventuelle ré-internalisation des fonctions externalisées.

Face au besoin de standardisation/automatisation du processus manuel de collecte et de gestion des données relatives au KYC pour les clients retail, les choix se portent sur l’externalisation de la solution (en ayant par exemple recours à des Fintechs) et/ou le développement in-house[13]. Outre l’aspect budgétaire, les SGP doivent tenir compte de :

  • L’intérêt financier du développement in-house (ROI) vs de l’outsourcing
  • La capacité d’intégrer la solution aux autres systèmes d’information et au CRM afin d’éviter un fonctionnement en silo
  • La capacité de gérer les données pour appréhender les clients
  • La capacité à mettre en place un dispositif de gestion du changement efficace permettant de lever les freins de la transformation digitale

Maîtriser ses données et en faciliter l’accès

Les SGP devront mettre en place une gouvernance des données efficiente et améliorer leur fiabilité pour en avoir une bonne maîtrise. L’objectif est de permettre l’automatisation des activités des fonctions middle et back tout en facilitant l’accès aux données brutes. La technologie, sans une rigueur de revue opérationnelle, n’apporte pas de réelle valeur ajoutée (Voir la fiche : La donnée, combustible au cœur du réacteur d’une SGP).

La gestion et la maîtrise des données sont un enjeu fondamental, que ce soit pour prendre de meilleures décisions d’investissement, optimiser et améliorer l’efficacité des modèles opérationnels, répondre aux exigences réglementaires et surtout répondre aux attentes des clients.

5 étapes pour dégager un plan de transformation des processus grâce aux nouvelles technologies :

Pour atteindre cette efficacité, une démarche en 5 étapes peut être envisagée. L’objectif est de cartographier l’existant afin d’identifier les processus ou les ensembles de processus susceptibles d’être automatisés. La recherche d’efficacité peut se faire d’une manière « top down » avec des obligations de réduction des coûts, ou d’une manière « bottom up » avec des équipes qui revoient leurs processus.

  1. Procéder à une cartographie des processus existants, en caractérisant le plus possible les métriques existantes de type délais, niveau de charge, complexité des tâches, niveau de risques encourus en cas de dysfonctionnements…
  2. Faire une revue transversale des processus afin d’identifier les zones d’optimisation (par exemple : tâches similaires ou à regrouper…) et évaluer l’éligibilité des processus à l’automatisation en s’appuyant sur des critères de types : charge de travail, répétitivité des tâches et volume, niveau d’accès et de qualité de la donnée en entrée du processus, importance business du processus, dépendances avec d’autres processus…
  3. Prioriser les processus éligibles à l’automatisation en fonction de leur contribution à :
    1. L’amélioration d’objectifs d’efficacité opérationnelle, par exemple l’amélioration des délais…
    2. L’amélioration de l’activité commerciale (« business »), par exemple une meilleure satisfaction client
  4. Procéder à l’analyse de faisabilité de l’automatisation, ainsi qu’à l’analyse du ROI
  5. Concevoir l’automatisation et la mettre en place :
    1. Celle nécessitant peu d’investissement et à la main des équipes opérationnelles
    2. Celle nécessitant plus d’investissement et plus complexe faisant intervenir les équipes IT
      (à noter l’importance accrue de l’utilisation du langage de programmation Python dans ces actions d’automatisation à la main des métiers ou de l’IT)

Quelques initiatives autour de l’innovation technologique dans l’Asset Management :

  • UBS Suisse – RPA [14]: UBS Suisse a renforcé l’efficacité opérationnelle de son middle-office par le biais du développement in-house du robot « Business risk management (BRM) document check » pour la vérification des documents. « Il recherche les informations dans la base de données clients et s’assure que les documents adéquats ont été envoyés au client dans les temps impartis. Le robot est capable de traiter automatiquement 80% des cas. Les collaborateurs du BRM gagnent ainsi plus de six heures par jour et les erreurs manuelles sont réduites au minimum ».
  • Clartan Associés – RPA : Développement d’un RPA, en collaboration avec Alphedra[15], pour l’automatisation des contrôles Middle Office. Le robot, développé sur la plateforme AnotherMonday[16], permet de récupérer en 2 minutes tout fichier nécessaire au contrôle des valeurs liquidatives dans un serveur dédié (contre 45 minutes auparavant), pour un coût forfaitaire de 0.05€/minute/robot et un coût de développement de 10 000€ pour le 1er robot puis 10-20 000€ pour le 2e. Après le succès de cette solution technologique externe et face au besoin d’industrialisation des processus internes de reporting, Clartan envisage d’élargir l’automatisation à d’autres processus internes pour répondre au besoin croissant d’efficacité opérationnelle, de maîtrise des données et de fiabilité des processus/données.
  • BeeAM – « l’union fait la force » [17]: BeeAM est une Marketplace dédiée aux professionnels de la gestion d’actifs, en particulier aux sociétés de gestion de plus petite taille. Grâce à son réseau de partenaires, BeeAM accompagne les SGP dans la sélection des fournisseurs-prestataires les plus adaptés à leurs besoins (reporting/réglementaire), dans l’arbitrage efficacité/coûts des solutions et dans l’implémentation des solutions retenues. BeeAM permet ainsi aux SGP d’établir des partenariats en phase avec leurs efforts, de gagner en taille et en efficacité. Allant plus loin dans cette logique de mutualisation et de création de maillage de partenariats entre petites SGP et prestataires-fournisseurs et capitalisant sur leur « best-practices », elle leur permet de gagner en attractivité et en crédibilité aux yeux des investisseurs institutionnels.

Et l’ESG dans tout ça ?

Convergence du financier et de l’extra-financier

La généralisation de l’extra-financier induit davantage de complexité dans l’exploitation des données et la production des reporting. La fonction conformité nécessite donc d’être renforcée face aux contraintes règlementaires ESG, de labellisation ISR et de politique RSE notamment.

Plusieurs défis émergent face à cette nouvelle complexité : l’accroissement de sources de données hétérogènes et l’exploitation des données sur un mode industriel. En effet, les sociétés doivent s’assurer que les informations relatives aux entreprises correspondent bien aux critères et valeurs définis par les investisseurs, et les nouvelles technologies sont indispensables pour gérer la volumétrie de données.

En parallèle, la SGP doit satisfaire les demandes croissantes des clients en matière de transparence, et reporter sur un nombre croissant d’indicateurs, générant un besoin croissant de données.

Le coin de la start-up et de l’innovation

  • Manco Paris est la première « management company » française. Cette société de gestion sans gérants, conçue sur le modèle de la manco luxembourgeoise et agréée par l’AMF, dispense des prestations d’hébergement de fonds et de services support pour d’autres sociétés de gestion[18]
  • Particeep est une Fintech qui fournit des solutions SaaS pour la distribution en ligne de produits bancaires, d’assurance et d’investissement. Elle aide les banques, les assureurs, les sociétés de gestion et leurs distributeurs à déployer des canaux numériques de souscription à leurs produits et services en moins d’un mois, sans aucun développement informatique.
  • SHOYO est une Fintech créée en 2018 commercialisant un Dossier Numérique Personnel destiné aux acteurs financiers et à leurs clients. Elle permet de réaliser des investissements dans un espace de confiance sécurisé, au sein d’une blockchain privée. Les épargnants enregistrent leurs données et leurs justificatifs et peuvent les réutiliser à volonté pour chaque nouveau questionnaire de souscription.
Améliorer l’efficience des fonctions support

Conclusion

La pression sur les marges, le durcissement des contraintes réglementaires et les évolutions au niveau de l’offre des produits et de la clientèle poussent les SGP à repenser leur modèle opérationnel et à investir dans les innovations technologiques comme levier pour renforcer l’efficacité opérationnelle de leurs fonctions BO/MO/Conformité.

Maintenir leur avantage compétitif et soutenir leurs marges dans un environnement à forte pression concurrentielle passe par :

  • L’automatisation des activités à faible valeur ajoutée des fonctions MO/BO/Conformité qui permet d’améliorer l’efficacité opérationnelle en réalisant des économies d’échelles et de réaffecter les ressources humaines dans le traitement et suivi des produits et transactions complexes destinés aux clients. Le paradigme actuel fait état d’un clivage progressif entre les grandes SGP capables d’automatiser leurs opérations en interne ou de les externaliser et les plus petites SGP misant davantage sur l’outsourcing et le recours à des partenariats avec des acteurs spécialisés (Global service centers / Regtechs / Fintechs)
  • La promotion de la culture de l’innovation : le besoin de digitalisation accéléré par la crise sanitaire, pousse la plupart des directions des opérations des SGP à s’accorder quant à la nécessité de promouvoir et d’instaurer une culture digitale et de l’innovation (formation, communication, guides) comme moteur de leur transition opérationnelle (renforcement de l’attractivité auprès des nouveaux talents au profil technologique, accompagnement des collaborateurs pour lutter contre les résistances au changement, modernisation des anciennes technologies)

Le futur des SGP passe par une accélération de leur digitalisation et de leur meilleure intégration dans un écosystème de partenaires apporteurs des nouvelles technologies telles que l’intelligence artificielle, le RPA, ou le DLT/Blockchain, nécessaires à leur transformation numérique.

Ce qu’il faut retenir

L’innovation technologique entraîne des changements profonds sur l’ensemble de la chaîne de valeur des sociétés de gestion, notamment pour l’automatisation des processus de middle et back office. En plus d’aborder les technologies qui peuvent être utilisées pour mieux automatiser les fonctions supports, cette fiche évoque les cinq étapes nécessaires pour dégager un plan de transformation des processus.