Adaptation du capital humain et gestion du changement

Adaptation du capital humain et gestion du changement

Introduction

Le changement sera humain ou ne sera pas. Selon une étude réalisée par KPMG[1], pour 44% des sociétés de gestion de portefeuille (SGP) interrogées, la conduite du changement est un facteur clé de réussite dans la digitalisation de l’économie. Néanmoins, dans un climat d’accélération continue de l’innovation, embarquer ses collaborateurs dans son projet de transformation n’est pas toujours chose aisée. Longtemps perçue comme relativement onéreuse, l’adaptation du capital humain est en train d’être redéfinie par l’avènement du digital. En effet, ce dernier ouvre la voie à l’expérimentation en réduisant les risques pour la société de gestion et invite à redéfinir les métiers et compétences vers une plus grande collaboration. Pour ce faire, investir dans le capital humain devient un impératif à l’ère du digital.

Quels sont les enjeux ?

En matière de capital humain, les enjeux de la transformation digitale sont multiples et invitent à repenser ou redéfinir les compétences, les talents, l’organisation, les métiers et la formation au sein des SGP.

Intégrer de nouveaux talents

Avec la numérisation de l’économie, de nouveaux métiers sont apparus, notamment dans le domaine de la gestion des données. A titre d’exemple, on peut citer :

Chief data officer
  • Co-défnit et pilote la stratégie data et IA
  • Met en place et pilote la gouvernance et la gestion des données
  • Valorise le patrimoine des données avec les métiers et la DSI (au travers des usages, anciens ou nouveaux)
  • Co-conçoit l’architecture data et infrastructures (stockage, exploitation des données…)
  • Diffuse la culture de la donnée dans l’entreprise
  • Est en charge du Data office
Data Quality Manager
  • Est en charge d’une équipe de Data quality analyst
Data Quality Analyst ou Data Steward
  • Est en charge du contrôle de l’adéquation continue de la Donnée à son usage
  • Identifie les raisons de la mauvaise qualité (incomplétude, obsolescence…) d’une donnée dans un processus ou traitement
Data Architect
  • Est en charge de l’architecture de la Donnée et de l’intégration de la Donnée sur un domaine fonctionnel ou technique
  • Est positionné à un niveau central ou sur un niveau fonctionnel donné
Data Modeler
  • Est en charge de la collecte et de la modélisation des Données, de la définition des Données, des modèles de Données physiques et logiques
Data Security Administrator
  • S’assure que les accès aux applicatifs ou environnements sont contrôlés et disposent des bons niveaux de protection
Data Scientist
  • Elabore des modèles pour exploiter des Données pour répondre à des problématiques opérationnelles ou stratégique de l’entreprise
Data Engineer
  • S’assure de la collecte, du stockage et de l’exploitation des Données en développant des solutions qui peuvent traiter un gros volume de Données dans des temps raisonnables
Data Analyst
  • Crée et maintient les bases de Données nécessaires pour conduire les analyses d’exploration et de prédiction
Community Head
  • Est en charge de l’animation autour de la Donnée au sein de l’organisation
Source : Chief Data Officer – Pratiques, outils et perspectives / Ed. Eyrolles 2020 (A YEN-PON et G TON)

Hors du Data Office, le CDO (Chief Data Officer) s’appuie sur des Data Domain Managers, des référents métier ou des Data Owners ou des Data Champions selon les organisations. Leur rôle est de :

  • être le relais du Data Office dans les lignes métier
  • faire remonter les difficultés rencontrées dans les lignes métier s’agissant des composants du dispositif de la Donnée
  • piloter les initiatives liées à la Donnée dans les lignes métier

Les mutations rapides induites par la transformation digitale impliquent l’intégration de nouveaux talents, or les SGP rencontrent des difficultés à recruter certains profils également recherchés dans d’autres industries, notamment des data scientist dont le rôle est aujourd’hui crucial pour traiter l’ensemble des données. Nous constatons également que d’autres profils manquent au sein des SGP comme les Chief Data Officer, les Data Engineer, les Data Scientist ou encore les Data Quality Manager. On peut également y ajouter l’ensemble des métiers relatifs au e-business, puisque la communication devient de plus en plus digitale, phénomène encore décuplé si la SGP souhaite se développer auprès du client final.  Certaines SGP tendent à rechercher de plus en plus de profils hybrides, bénéficiant à la fois de compétences métiers mais également digitales. Selon une étude réalisée par Accenture, près de 25% des dirigeants des SGP anticipent une évolution de leurs équipes Front Office, pour tendre vers un accroissement des profils bénéficiant de compétences technologiques (cloud, innovation, data analyst)[2]. Les SGP vont ainsi être amenées à intégrer de nouveaux talents pour être en mesure de diversifier et compléter leurs expertises.

Rendre les SGP attractives

« La guerre des talents est déjà là, et elle se joue au niveau mondial »[3] affirme BPI France dans son étude relative aux enjeux économiques de demain. L’arrivée des nouvelles générations sur le marché de l’emploi tend à questionner la capacité des entreprises à rester attractives. Ce sont près de 80% des jeunes entre 18 et 35 ans qui intègrent le facteur RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) dans leur recherche d’emploi, soit 40% des actifs aujourd’hui en France. Cette situation invite les SGP à mettre en place une réelle stratégie d’attractivité pour être en mesure d’attirer ces nouveaux talents. Ainsi, il va falloir faire preuve d’ingéniosité pour être en mesure de recruter mais surtout de fidéliser ses nouveaux profils exigeants et volatiles.

Au sein des SGP, ce besoin de sens se fait de plus en plus ressentir et s’associe à un besoin grandissant de flexibilité au travail auquel le digital peut répondre. Par exemple, mettre en place le télétravail peut être un excellent moyen de répondre à ce besoin de flexibilité et ainsi rendre plus attractives les SGP auprès des nouveaux talents. En ce sens, être capable de fidéliser ses collaborateurs dans un environnement en perpétuelle mutation requiert de la part des entreprises une capacité à être à l’écoute des besoins de leurs collaborateurs.

De plus, susciter le transfert intergénérationnel de compétences constitue également une clé de réussite qui invite à redéfinir la culture d’entreprise vers plus de collaboration. Les nouvelles générations mais également la séniorité méritent ainsi d’être écoutées car « consommer digitalement n’est en fait pas l’apanage d’une génération, mais clairement un changement massif de comportement réparti sur toute la pyramide des âges[4]. » Cette démarche s’inscrit également dans la capacité des organisations à répondre aux nouveaux besoins ressentis par les collaborateurs en matière de coopération entre les équipes[5].

Ces notions de collaboration et d’intelligence collective vont plus loin et invitent les SGP à repenser leur organisation pour davantage de transversalité, de projets menés de façon non-hiérarchique afin de laisser une place importante à l’expression de l’expertise de chacun. Certains vont même jusqu’à parler « d’entreprise apprenante ».

Redéfinir les métiers

« Le robot ne remplacera pas l’homme, mais 1 salarié sur 2 travaillera avec l’IA ou un robot »[6]. Ainsi, selon les estimations réalisées par BPI France, dans les prochaines années, 30 à 50 % des métiers devraient être transformés en raison des nouvelles technologies. S’il est vrai que cette étude s’intéresse à l’ensemble de l’économie et ne se limite pas aux SGP, elle permet tout de même de mettre en exergue les tendances de demain. Cette redéfinition des métiers invite les SGP à repenser leur cadre de formation. En effet, les métiers évoluent et demandent de plus en plus une maîtrise de la logique informatique et des outils numériques tout en conservant les compétences cognitives ne pouvant être apportées par la machine ou l’IA (pensée critique, créativité, communication et collaboration)[7]. En ce sens, il devient primordial pour les acteurs du secteur de mettre en valeur le potentiel humain et de s’inscrire dans une dynamique d’apprentissage continue pour s’adapter aux enjeux en cours et à venir.

Former les équipes

Selon Richard Buckminster Fuller[8], le volume de connaissances humaines doublait tous les cent ans jusqu’au XXe siècle et double tous les 13 mois de nos jours. A ce rythme, se contenter d’un minimum de formations pour ses équipes ne peut tenir. Pour y faire face, la capacité des organisations à s’inscrire dans un parcours de formation continue est cruciale, notamment pour être en mesure d’anticiper les métiers que nous ne connaissons pas encore : ingénieur blockchain, expert en éthique technologique ou analyste de données connectées, et bien d’autres. 85% des métiers de 2030 n’existent pas encore[9] et le système éducatif actuel ne peut y faire face au vu de l’accélération des besoins. Les SGP vont ainsi devoir contribuer à l’innovation des parcours de formation pour accompagner en continu la montée en compétences de leurs équipes.

AFG Formation

Dans cette logique, l’AFG a créé en 2001 un organisme de formation, AFG Formation, et construit une certification professionnelle dénommée PRAM (programme d’asset management) aux fins d’adaptation des compétences des gestionnaires aux impératifs d’une profession exigeante. Les objectifs principaux sont :

  • Permettre aux personnes en activité déjà engagées dans le métier de la gestion d’actifs de faire évoluer leurs compétences dans leur domaine d’expertise en se formant tout au long de leur vie professionnelle
  • Professionnaliser les nouveaux collaborateurs(trices) en reconversion et qui intègrent la filière de gestion d’actifs après avoir réalisé une partie de leur parcours professionnel dans la banque ou dans l’assurance
  • Faciliter l’intégration des débutants(es) issus de formation universitaire mais ne disposant pas des compétences et connaissances techniques et opérationnelles

D’année en année, AFG Formation fait évoluer ce diplôme :

  • en parallèle des actualités règlementaires, financières et professionnelles
  • en 2018, la filiale de formation de l’AFG valide l’enregistrement du PRAM, niveau 7 (master II), au registre National des certifications professionnelles; celui-ci devient le Diplôme d’Expert en Gestion d’Actifs composé de 6 blocs de compétences et d’expertise
  • poursuit une démarche de coopération externe pour intégrer en transversalité dans les blocs de compétence du cursus les enjeux environnementaux et prochainement le digital. Cette démarche de collaboration se réalise via des partenariats avec des écoles spécialisées permettant de former des jeunes avec des compétences multiples en gestion financière, Finance durable et/ou Digital. Et ceci, selon un format « opérationnel » de l’apprentissage qui s’appuie sur le transfert intergénérationnel de compétences.
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Que faire ?

L’avènement de ces nouvelles mutations invite les SGP à repenser en profondeur leur organisation vers une plus grande collaboration. Pour ce faire, elles vont devoir opérer une redéfinition de leur culture d’entreprise intégrée à tous les niveaux de l’entreprise. Son déploiement doit passer par une implication forte des dirigeants, une restructuration organisationnelle et un investissement croissant dans l’accompagnement des collaborateurs.

Impliquer les dirigeants

Selon une étude réalisée par KPMG sur les bénéfices du digital au sein des SGP, l’inscription des dirigeants dans la culture du changement constitue un facteur déterminant pour que les métiers puissent également évoluer.[10] D’ailleurs dans cette même étude, 42% des SGP interrogées considèrent que le top management bénéficie d’un rôle stratégique dans la réalisation du projet de transformation digitale. En ce sens, sensibiliser et coacher les dirigeants est essentiel pour faire du digital un axe prépondérant de la stratégie d’entreprise. En effet, ces derniers peuvent donner la première impulsion à l’origine du changement.

Pour son poste de Chief Digital Officer, le Groupe Natixis a par exemple recruté un ancien salarié de chez Google et a fait le choix de le rattacher directement au Directeur Général. Autre exemple, au sein de Sycomore, Amaury Eloy, Directeur RH et de la transformation digitale est parvenu à embarquer les équipes dans son projet de transformation digitale car, dès le début, il bénéficiait du soutien de sa direction.

Favoriser la collaboration

Le digital et plus précisément la multiplicité de la donnée (répartie dans les différents services) implique, pour les SGP, de dépasser les logiques de silos (Voir la fiche : La donnée, combustible au cœur du réacteur d’une SGP). De plus, s’inscrire dans une vision transversale permet de répondre rapidement aux nouvelles exigences des clients (Voir la fiche : Innovations technologiques au service de l’expérience client). Ainsi, cette transformation de l’organisation implique de redéfinir les processus et donne aux collaborateurs les moyens de cette ambition. Selon les recommandations formulées par BPI France, la transversalité doit se traduire dans la culture de l’entreprise, dans les pratiques des collaborateurs au quotidien et dans l’exemplarité de la ligne hiérarchique[11]. Pour ce faire, BPI France recommande une refonte organisationnelle selon la déclinaison suivante :

  • Redéfinir la gouvernance pour supporter les nouvelles manières de travailler[12]
  • Repenser les méthodes de travail
  • Embaucher de jeunes diplômés travaillant en mode projet
  • Soutenir le partage de compétences intergénérationnel
  • S’appuyer sur les outils digitaux pour décloisonner les services
  • Créer des passerelles dans les systèmes d’information pour que les métiers communiquent
  • Instaurer de nouvelles logiques de coopération entre les différentes directions (Ressources Humaines, Communication, IT, etc.) mais également en externe
  • Permettre et soutenir l’innovation des équipes pour s’inscrire dans une dynamique d’amélioration continue
  • Concevoir des espaces de travail qui décloisonnent les métiers et invitent les collaborateurs à échanger et à coopérer

Pour les SGP, choisir d’agir dans le sens d’une organisation plus collaborative, c’est définir le cadre de l’expérimentation pour s’appuyer sur l’intelligence collective et ainsi commencer à faire bouger les lignes au sein de l’organisation.

Faire évoluer les compétences

L’intelligence artificielle, le digital et l’automatisation ne se limitent pas aux seuls métiers techniques mais ont un impact sur l’ensemble de la chaîne de valeur. De plus, ils invitent à renforcer l’embauche et la formation de profils hybrides capables d’allier compétences métiers et maîtrise digitale. Pour répondre à ces enjeux de montée en compétences, les équipes de ressources humaines doivent être placées au cœur de la démarche pour impulser mais également faire remonter les demandes métiers.

Pour les managers :

  • Former à la transversalité et au mode projet[13] pour communiquer les objectifs
  • Apprendre à construire un climat de confiance[14] vis-à-vis de ses équipes (télétravail, adaptation des rituels d’équipe, etc.)
  • Embaucher des managers connaissant l’IT (les plus grandes sociétés se dotent généralement de Chief data Officer (CDO) et/ou Chief Digital Officer (CDO) rattachés au Directeur Général et les exemples montrent que la réussite du projet de transformation digitale réside dans le pouvoir et les moyens qui lui sont conférés[15])

Pour les équipes :

  • Recruter des profils opérateurs capables de coder (analyste financier sectoriel et data scientist)
  • Commencer à cartographier et faire remonter les besoins en bottom-up
  • Former les équipes aux technologies digitales (par exemple, programmation en langage Python) 
  • Répondre à leurs besoins d’automatisation en leur fournissant des outils adaptés aux besoins métiers
  • S’appuyer sur le numérique pour offrir de nouvelles opportunités d’apprentissage, plus personnalisées, plus interactives, ludiques et plus souples
  • Concevoir un plan de formation adapté à la vision stratégique

Les entreprises vont devoir travailler en étroite ligne avec les écoles, voire créer leurs propres écoles internes (ex : projet entre des startups EdTech et la recherche, au bénéfice de l’expertise, de l’employabilité et de l’engagement de leurs collaborateurs) pour être en mesure de former correctement leurs équipes. Pour les plus petites structures, faire appel à des freelances ou des cabinets de conseil mais également mutualiser les ressources avec d’autres structures constituent d’excellents apports d’expertises sans pour autant supporter les coûts de recrutement, d’administration et/ou de formation.

S’inscrire dans une démarche d’open innovation

L’open innovation se substitue à la R&D classique en faisant l’apanage de la collaboration. Pour les entreprises, il s’agit d’importer des connaissances, compétences, technologies et savoir-faire et en retour, d’en exporter vers d’autres entités. En ce sens, cette méthode vise à décloisonner l’innovation pour pouvoir s’inspirer des meilleures pratiques. Selon une étude de 2017, réalisée par KPMG international, 47% des dirigeants estiment que l’open innovation est une priorité pour les années à venir[16].

Migrer vers l’open innovation implique de redéfinir la culture d’entreprise :

  • Motiver les équipes avec la définition de nouveaux objectifs individuels mais également collectifs
  • Décloisonner les services
  • Permettre de développer de nouvelles compétences
  • Refondre la communication pour être en mesure d’attirer de nouveaux talents
  • Ajuster les pratiques managériales pour garantir un réel partage de la responsabilité
  • Réaliser des apports collaboratifs en matière d’outils mais également de logique individuelle et collective
  • Apporter un cadre juridique collaboratif tout en étant protecteur

En définitive, il s’agit de s’inspirer de l’écosystème entrepreneurial où la responsabilité est partagée. Par exemple, au sein du Groupe La Française, un système de « permis d’innover » a été mis en place pour inciter l’ensemble des collaborateurs à proposer de nouvelles idées et solutions.

L’idée à terme pour les SGP consiste en la création d’entreprises apprenantes où les collaborateurs sont perçus comme un « potentiel de compétences » à développer et à révéler en continu[17]. De plus, initier des actions allant dans le sens de proposer des cadres innovants beaucoup plus souples à l’image de l’environnement start-up, sont un moyen de réduire les coûts induits par la recherche.

Exemples :

Construire une organisation qui favorise la collaboration

Selon les différentes études menées au sein des SGP, l’approche étape par étape revient constamment. Elle permet notamment de réduire les risques d’échec, de construire progressivement un climat de confiance et ainsi mettre en place des projets de plus grande envergure[18]. Le projet de transformation digitale orchestré par Sycomore est un parfait exemple de ce processus. Sycomore est une société de gestion de 70 personnes dont le fonctionnement repose sur une logique entrepreneuriale. En effet, la prise de décision se fait collégialement et les collaborateurs sont incités à prendre des initiatives. Amaury Eloy, Directeur RH et transformation digitale, explique comment, pas à pas, il a pu aboutir à une transformation digitale au sein des métiers. En effet, bénéficiant du soutien de sa direction, il a fait venir des personnes clés de l’innovation comme Gilles Babinet ou encore Alain Clot pour commencer à sensibiliser certains collaborateurs aux impacts métiers de la transformation digitale. Cette première initiative a, selon lui, permis une réelle prise de conscience des équipes et a constitué un premier socle sur lequel construire la suite. Ainsi, il a pu mettre en place des projets de plus grande envergure comme le changement du CRM développé en interne, ou encore le choix de Microsoft Dynamics à la suite du recrutement d’un développeur qui connaissait bien la gamme de progiciels. Aujourd’hui, au sein de la société de gestion, il y a une véritable logique de responsabilisation des collaborateurs jusque dans le parcours de formation.

Adapter les dispositifs de sensibilisation et de formation

Pour former et pallier le manque de profils data scientist ou architecte avec des connaissances métiers, chez BNP PAM, un dispositif de social game a été mis en place. Bien que les coûts de conception soient importants, sur le long terme la société de gestion a réalisé des économies par rapport aux formations et ateliers traditionnels en impliquant un grand nombre de salariés.

Pendant longtemps, il n’y avait pas d’équipe IT chez Mandarine Gestion mais les profils métiers bénéficiaient de compétences de développeurs. Cette situation leur a permis de développer des outils en interne pour s’adapter au mieux aux besoins métiers. Aujourd’hui, le choix s’est porté sur la mise en place d’un intranet unique où les équipes sont responsabilisées et peuvent retrouver l’entièreté des informations relatives à la société de gestion mais également différentes formations.

Créer des synergies entre les équipes IT, communication et RH

Chez Candriam, société de gestion de 600 collaborateurs, bénéficiant d’un positionnement international fort (présente dans 20 pays sur 4 continents), la gestion du changement a été réalisée en coordination avec les différentes directions. En effet, les équipes de l’IT ont sollicité les équipes des ressources humaines pour concevoir le parcours de formation en e-learning et les équipes de la communication pour sensibiliser à l’utilisation des nouveaux canaux de diffusion. De plus, chaque année, Candriam organise « The Candriam Digital Week » pour sensibiliser les collaborateurs aux enjeux du digital. Il s’agit de créer des synergies fortes entre les différentes directions et de positionner la communication dans ce projet de transformation pour rendre visible les actions menées.

Susciter l’innovation

L’initiative « Innovative Platform » a été déployée au sein du Groupe La Française en 2019. La plateforme vise à l’incubation de Business Units internes sous forme d’intrapreneuriat ou d’acquisitions. Elle place l’innovation au cœur de la stratégie du groupe. Dans un premier temps, elle permet de détecter et mettre en place des initiatives qui vont ensuite pouvoir être déployées sur le marché pour développer les activités du groupe. L’idée sous-jacente de ces nouvelles business units est de créer de façon entrepreneuriale des activités leaders de demain qui vont être génératrices de rentabilité additionnelle pour le groupe. Il s’agit également d’expérimenter des nouvelles méthodes selon la logique de « test and learn » dont certaines seront ensuite déployées au périmètre plus large du groupe. L’idée de ce département est véritablement de stimuler l’innovation mais également d’allier expérimentations individuelles et démarche collective de développement du groupe. C’est ainsi qu’est née Moniwan en 2016 (Voir la fiche : Stratégies organisationnelles et innovations technologiques).

Revoir ainsi la culture de son entreprise pour accompagner au mieux le changement nécessite de s’inscrire dans une logique expérimentale et de miser sur l’intelligence collective. Cette dernière passe par la valorisation de ses talents en interne associée au soutien d’une expertise externe.

Et la RSE dans tout ça ?

A court terme la transformation digitale pose la question de son impact sur l’environnement, mais le volet social va lui aussi devoir évoluer pour permettre aux équipes d’apprendre en permanence et ainsi s’adapter aux changements en cours et à venir. Renforcer ou mettre en place une démarche RSE ambitieuse (sobriété numérique, engagement des collaborateurs, diversité des profils métiers etc.) constitue un excellent moyen d’attirer et fidéliser les nouveaux talents.

Renforcer la diversité des profils

Pour être en mesure de répondre aux enjeux humains de la transformation digitale, les SGP vont devoir renforcer l’intégration des critères sociaux dans les RH. Dans un premier temps, il s’agit de renforcer la mixité des profils à tous les niveaux de l’entreprise[19]. A noter qu’aujourd’hui, les conseils dans le SBF 120 en France sont présidés à 9% par des femmes contre 16% dans le FTSE 100 au Royaume-Uni[20].

Dans un second temps, comme le précise Michael Herskovich, Global Head of Stewardship de BNP Paribas Asset Management[21] : « La diversité, qui ne se limite pas au genre et concerne aussi la diversité d’expertise, de parcours, de nationalités, d’origines… constitue l’un des piliers de notre stratégie ». En ce sens, il s’agit pour les SGP de mettre en place des actions qui visent à diversifier les profils recrutés et accompagnés. Au sein du Groupe La Française, par exemple, un réseau interne, baptisé Further, vise à promouvoir la mixité et le leadership au féminin grâce notamment à un programme de mentoring auprès des femmes et ainsi les sensibiliser et les accompagner au mieux dans leur parcours professionnel en levant les freins issus de la construction sociale.

Inscrire sa stratégie dans une logique de diversité permet de :

  • Apporter des angles nouveaux dans la prise de décision
  • Capter et retenir les talents
  • Booster la motivation et la productivité de ses équipes
  • Rendre les Directions d’entreprise plus performantes lorsque les entreprises les plus féminisées dans leurs instances de direction sont à 47% plus rentables[22]

Face à la rareté des profils féminins dans le secteur du digital, la start-up Adatech School à monter une école visant à démocratiser et à diversifier les profils des « codeurs ». Avec l’ensemble des mutations issues de la transformation digitale, agir en faveur de la mixité permet de rendre les organisations plus résilientes face aux évolutions à venir.

Le coin de la start-up et de l’innovation

Selon KPMG International, des méthodes de travail basés sur la combinaison entre le physique et le virtuel vont devenir la nouvelle réalité[23]. Récemment on a vu apparaître une nouvelle manière de former le « blended learning » combinant le e-learning et le présentiel pour répondre aux besoins croissants de flexibilité des collaborateurs. Dans cette continuité, on observe un développement de nouveaux outils permettant de faire évoluer l’accompagnement RH vers une hybridation entre digital et physique dit RHTech[24].

  • Unow : organisme de formation professionnelle en ligne
  • Schoolab : organisme de formation spécialisé en conduite du changement et transformation digitale
  • General Assembly : organisme de formation aux métiers du digital

Conclusion

L’avènement du digital perturbe les pratiques des métiers au sein des SGP et invite à redéfinir les organisations. Pour ce faire, la culture d’entreprise doit progressivement évoluer vers plus de collaboration. Il s’agit de commencer à mettre en place des actions de sensibilisation à tous les niveaux et à s’inscrire dans un cadre de répartition de la responsabilité pour permettre l’innovation. De plus, dans un monde où les enjeux s’accélèrent et se succèdent, la capacité des SGP à former en continu leurs équipes sera un facteur clé de performance. Le digital facilite les pratiques métiers et permet de révéler l’intelligence collective de chacun. L’élément central de cette capacité à faire évoluer les organisations est de s’inscrire dans une logique de confiance à tous les niveaux de l’organisation pour susciter la prise d’initiative. En définitive, l’adaptation du capital humain à la transformation digitale devra passer par une redéfinition collaborative de l’organisation pour être en mesure d’innover continuellement[25].

Ce qu’il faut retenir

Avec la numérisation de l’économie, de nouveaux métiers ont émergé. C’est notamment le cas dans la gestion de données. Pourtant, une pénurie de profils existe et les sociétés de gestion ont du mal à recruter. Il est alors primordial de rendre les SGP attractives en intégrant les aspirations des collaborateurs en matière de RSE, en répondant à leurs besoins de flexibilité et en permettant le transfert de compétences. Afin de fidéliser leurs collaborateurs, les sociétés de gestion auront intérêt à les former, construire une organisation qui favorise la collaboration et créer de la synergie entre les différentes équipes. Le renforcement de la diversité des profils est également un élément clef pour susciter l’innovation.