Vision 5 à 10 ans

Vision à 5 à 10 ans de l’industrie de la gestion d’actifs en France

EXECUTIVE SUMMARY

Projetons-nous en 2030 et imaginons quelques pistes d’évolutions possibles concernant l’activité et l’organisation des sociétés de gestion et de l’écosystème à partir des signaux que nous voyons émerger aujourd’hui. Il s’agit de rendre visible quelques scenarii plausibles pour mieux les questionner. L’accélération de la « datafication » de l’économie va totalement transformer l’industrie de la gestion d’actifs française en 2030 car la donnée sera devenue l’un des principaux vecteurs de création de valeur.

En 2030, la SGP aura mis le client au centre de son organisation. Le client se considérera d’abord comme un consommateur avant de se sentir épargnant et choisira où placer son argent souvent en fonction de la marque de la SGP. Il voudra investir dans des produits qui ont, à la fois, du sens et offrent un rendement satisfaisant. Dans un sondage[1] récent, 48% des personnes interrogées considèrent que la performance financière est aussi importante que l’impact avéré des investissements (environnementaux, sociaux et/ou de gouvernance), bien devant les 16% qui privilégient principalement l’impact des investissements. Le recours à la technologie quantique permettra d’améliorer l’optimisation de portefeuille et ainsi d’augmenter la génération d’alpha.

L’utilisation étendue des technologies d’intelligence artificielle permettra d’anticiper les attentes des clients tant en termes de solutions d’investissement, que de services et d’assistance. Les réunions entre le client et son gérant ou conseiller se feront en physique ou via un espace virtuel appelé métavers. La valorisation des données exploitées par la SGP se fera au bénéfice du client (transparisation de fonds, reporting en temps réel, engagement éthique sur l’utilisation des données…). La SGP ne sera plus seulement un producteur mais aussi un fournisseur de services.

Grâce à l’utilisation d’infrastructures blockchain, elle connaitra mieux son client final à la suite de la réduction des couches intermédiaires et pourra donc bien répondre à ses besoins. Elle sera devenue un acteur clé de l’investissement en crypto-actifs, assimilés ou non à des instruments financiers (security tokens), des NFT. En 2028-2029, le régime pilote sur les security tokens prendra fin et les textes juridiques actuels sur instruments financiers seront adaptés à ces actifs tokenisés avec des plateformes de transactions et des teneurs de registres régulés ce qui devrait en accélérer leur utilisation. Elle aura aussi développé des activités de finance décentralisée, en interne ou à travers des partenariats ou acquisitions. La SGP en 2030 continuera à jouer un rôle déterminant dans le financement de l’économie.

Adaptation du capital humain et gestion du changement

Elle aura totalement fait évoluer sa gestion des ressources humaines, à tous les niveaux de responsabilités, par la formation tant aux nouveaux outils qu’à la conduite du changement et saura intégrer avec succès les nouveaux métiers. Elle utilisera notamment le métavers comme outil de formation, de recrutement et d’échange entre collaborateurs. Flexibilité et agilité dans l’organisation du travail permettront d’attirer les talents et de les garder. Une plus grande mixité et diversité sera devenue la norme, élément d’autant plus important pour améliorer l’efficacité des algorithmes IA en réduisant des biais cognitifs.

L’utilisation extensive de l’IA, de la blockchain et du métavers engendrera un engagement fort en termes de sobriété numérique.

Les clés de succès de ce portrait de la SGP 2030 sont multiples :

  • Investir significativement et sur la durée dans les technologies avec des ressources internes et/ou sous forme de partenariats
  • Investir dans le capital humain, cet investissement représentant environ la moitié du coût total d’un projet. L’investissement dans le capital humain concerne aussi la refonte de l’organisation de la gestion des ressources humaines pour répondre aux enjeux de flexibilité et d’agilité
  • Mettre en place une organisation et sa gouvernance montrant l’éthique, la transparence et l’explicabilité des algorithmes IA utilisés
  • Accéder aux plateformes d’investissement blockchain. L’intégration de nombreuses SGP sur les plateformes blockchain devrait permettre aux SGP de récupérer une partie de la valeur ajoutée via l’attraction des investisseurs finaux, quels qu’ils soient et d’où qu’ils soient
  • Développer une ou des plateformes de services pour les clients, notamment en partenariat avec des acteurs non financiers
  • Mutualiser les efforts d’investissement pour les petites SGP au travers de partage de coûts sur des POC d’intérêt commun comme le développement d’API notamment sur la gestion ESG, ou en créant une marque commune à plusieurs SGP
Vision 5 à 10 ans

Quel environnement sociétal, macro-économique et réglementaire en 2030 ?

Cette réflexion est fondée sur des signaux qui émergent aujourd’hui.

Des évolutions sociétales majeures… 

  • L’accélération de nouveaux comportements d’épargne, ancrés dans les actes du quotidien, s’appuyant sur une « programmabilité [2]» croissante des situations de vie, comme :
    • « Épargner tout en jouant » ou « play-to-earn », pouvant représenter une nouvelle source de financement, au travers de rémunérations reçues sous forme de fragments de jetons,
    • « Épargner en achetant », consistant à épargner les arrondis sur les achats,
    • « Investir 24H/24 et 7J/7 » via des plateformes digitales, tout en ayant la possibilité d’avoir accès à un conseiller si besoin
  • Une offre d’épargne qui concilie attentes sociétales et rendement
  • Des produits sur mesure avec un reporting en temps réel et une assistance en continu
  • Une réponse presque immédiate aux demandes des clients (Voir la fiche : Innovations technologiques au service de l’expérience client). Selon une étude Salesforce, 80% des clients développent un sentiment de fidélité à la marque quand ils obtiennent une réponse immédiate à leurs questions
  • L’utilisation du métavers dans la relation avec le client, comme c’est déjà le cas avec la présence d’agence d’assurance[3]
  • Une demande de flexibilité dans l’organisation du travail

…accompagnées d’évolutions macro-économiques structurantes… 

  • L’entrée dans un nouveau cycle de hausse des taux avec la résurgence de l’inflation
  • L’utilisation d’actifs tokénisés dans le financement de l’économie
  • La création d’une monnaie numérique banque centrale, de gros et de détail. La Banque de France a annoncé en juillet 2022 le lancement de sa nouvelle phase d’expérimentation qui devrait aboutir en 2023 à la création de cette monnaie pour les besoins de professionnels

…et des réglementations qui se cristallisent selon des lignes de force

  • Encadrement des actifs numériques soit en créant des réglementations spécifiques soit en faisant évoluer les réglementations existantes pour les intégrer. MiCA réglemente les actifs numériques qui ne sont pas assimilés à des instruments financiers et entrera en vigueur en 2024. Le régime pilote, en application à partir de mars 2023, crée un régime d’exemptions sur six ans afin que les places de marché et les conservateurs puissent développer des activités sur des actifs numériques assimilés à des instruments financiers (security tokens). A l’issue de cette période, les textes juridiques visant les instruments financiers seront adaptés à cette nouvelle classe d’actifs en vertu des enseignements du régime pilote
  • Intégration des réglementations ESG, dont le big bang s’étale de 2021 à 2024 avec SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation), CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive)…
  • Dora (Digital Operational Resilience Act) crée un cadre réglementaire sur la résilience opérationnelle numérique, afin que toutes les entreprises s’assurent qu’elles sont en mesure de résister, de réagir et de se remettre de tous les types de perturbations et de menaces liées aux grands acteurs technologiques. Sa mise en place démarre fin 2022
  • Digital Services Act et Digital Markets Act visent à créer un espace numérique plus sûr où les droits fondamentaux des utilisateurs sont protégés et à établir des conditions de concurrence équitables pour les entreprises. Leur mise en application est prévue pour 2023
  • Réglementation à créer pour protéger l’épargnant qui investit au travers de la finance décentralisée
  • Réglementation à créer pour protéger le consommateur présent dans le métavers (protection de son intégrité, de ses avoirs…)

… qui entraineront de nouveaux modes d’investissement et de consommation de l’épargne ainsi que de nouvelles exigences de la part des clients

  • L’utilisation étendue des outils IA dans la gestion de la relation client permettra d’augmenter le revenu par client. Cap Gemini a montré que, pour les institutions financières et grâce à ces outils, le revenu par client augmente de 13% quand le coût opérationnel diminue lui de 11%.[4] Aussi l’utilisation de ces outils devra-t-elle faire preuve de transparence et d’explicabilité
  • La technologie quantique permettra d’optimiser la construction de portefeuille et donc d’augmenter l’alpha (Voir la fiche :  Nouveaux usages technologiques dans le cycle d’investissement)
  • Les SGP devront être capables aussi d’offrir des portefeuilles comprenant des actifs financiers traditionnels, des actifs numériques et des NFT (Voir la fiche : Offre de gestion en crypto-actifs). Des gérants et analystes développeront des expertises en sélection et suivi de ces cryptos actifs
  • Les clients iront sur la plateforme de services de la SGP pour visualiser le reporting en temps réel avec une totale transparisation, pour acheter ou vendre les produits sélectionnés, pour avoir un échange avec son gérant, procéder à une opération à partir d’un robot ou discuter avec la communauté de la SGP sur des sociétés rencontrées par la SGP par exemple. Cette plateforme sera connectée à un ou plusieurs acteurs offrant des solutions d’investissement en finance décentralisée
  • Les particuliers investiront directement auprès des SGP à partir de plateformes d’investissement blockchain ou de métavers
  • Les clients rencontreront leurs gérants et conseillers dans des lieux virtuels choisis par le client ou le professionnel et pourront également assister à des conférences dans de tels espaces

Une étude[5] présente cette évolution de l’environnement sociétal, macro-économique et réglementaire en 2030 conduisant à la création et à la captation de valeur. La création de valeur viendra de l’utilisation du flux de données et de l’innovation dans l’organisation du travail. La capture de valeur résultera de la capacité à répondre aux attentes des clients et de l’évolution du business model avec notamment sa plateformisation.

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Quelles attentes / besoins des clients des sociétés de gestion d’actifs ?

Au regard des évolutions mentionnées supra et des projets déjà existants ou en train d’être explorés, il est indéniable que les façons de répondre aux besoins des clients vont évoluer, comme l’illustre le tableau ci-dessous. Nous avons tenté une classification des attentes par typologie de clients :

Typologie client Attentes Ce qui va se développer
Retail
  • Investissement en direct, 7/7 – 24/24
  • Conseil attendu en cas de complexité produits
  • « Gamification de l’épargne » notamment pour les jeunes générations notamment au travers des crypto actifs,
  • Recevoir un service personnalisé, rapide et efficace,
  • Être informé quand l’IA est utilisée pour le service au client (ex chatbot) ou en gestion
  • Investissement qui a du senset du rendement
  • Une diversification de l’offre d’investissement incluant des actifs numériques
  • Essor des outils IA pour le conseil
  • Des mécanismes d’épargne « gamifiés » mais aussi s’intégrant dans les actes du quotidien comme lors des actes d’achat (déclenchant une épargne en par arrondi)
  • Digitalisation des processus (par IA et blockchain) permettant de réduire les délais, les coûts et de connaitre le client
  • Explicabilité du processus de décision des outils de gestion en IA et transparence sur leur utilisation
  • Plateformisation des services à la disposition des clients
HNWI
  • Idem retail
  • Hyper-personnalisation
  • Idem retail
  • Meilleure anticipation des besoins par l’utilisation d’outils IA
Distributeurs
  • Reporting temps réel
  • Simplification des processus S/R, et « on boarding » clients
  • La plateformisation des services permettant aux distributeurs de mieux servir leurs clients
  • Digitalisation des processus (par IA et blockchain) permettant de réduire les délais, des coûts et d’améliorer l’expérience client
  • Explicabilité du processus de décision des outils de gestion en IA et transparence de leur utilisation
Institutionnels et corporates
  • Diversification du financement
  • Répondre aux enjeux ESG
  • Reporting temps réel
  • Simplification processus Souscription/Rachat,
  • Amélioration alpha
  • Amélioration expérience client
  • Services additionnels pour répondre aux exigences de la réglementation
  • Un mix de financements avec des titres numériques et des titres traditionnels
  • Digitalisation des processus (par IA et blockchain) permettant de réduire les délais, des coûts et d’améliorer l’expérience client
  • Développement d’une offre de services
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Comment la SGP aura répondu à ces attentes en 2030 ?

La maitrise de l’utilisation de l’IA

L’amélioration des canaux de communication avec les clients est une des principales priorités, tant court-terme qu’à long-terme pour les institutions financières dans le monde[6]. En 2030, l’utilisation des technologies IA, blockchain et voire machine quantique, sera complètement banalisée. En comparaison des autres secteurs économiques, la blockchain et la machine quantique sont pour l’industrie financière les technologies les plus pertinentes[7]. La blockchain permet de réduire les couches d’intermédiaires et la machine quantique avec sa puissance de calcul peut apporter des améliorations à l’optimisation de portefeuille.

Le BCG estime que, vers 2030, l’utilisation de la technologie quantique génèrera une valeur comprise entre 450 et 850 milliards de dollars. L’équipe de recherche quantique de JP Morgan a montré en 2021 qu’elle pouvait améliorer l’optimisation de portefeuille sur 2 actifs du S&P 500. L’optimisation de portefeuille est un cas d’usage clé en finance, mais sa complexité informatique oblige les institutions financières à recourir à des solutions approximatives, qui prennent toujours beaucoup de temps. La communauté scientifique étudie donc comment l’informatique quantique peut être utilisée pour une optimisation efficace et précise des portefeuilles[8]. (Voir la fiche : Nouveaux usages technologiques dans le cycle d’investissement)

Les technologies IA se déclinent en plusieurs composantes et ont de multiples applications. Dans son activité d’investissement et pour sa connaissance approfondie du client, la SGP utilisera principalement les capacités de prédiction, de prise de décision, d’automation et de reconnaissance naturelle du langage. En 2030, les SGP auront notamment développé le service client sous forme de chatbot, la vente de produits en cross selling grâce à l’analyse du comportement du client.

La plateformisation des services proposés par les SGP, en réponse aux attentes des clients, engendrera des revenus liés directement ou indirectement à l’activité de gestion. Aussi la réglementation, notamment AIFMD, devra prendre en compte cette évolution du business modèle des SGP en élargissant le champ d’activités annexes autorisées.

Déjà, les clients sont en demande de savoir quand et comment est utilisée l’IA pour les services financiers proposés. Selon une étude de Cap Gemini[9],  71% des personnes interrogées veulent être informées de l’utilisation de l’IA dans leurs interactions avec l’institution financière, mais seulement 29% des dirigeants de ces institutions considèrent qu’ils répondent à ce besoin. Cette demande des clients, qui sera de plus en plus pressante, conduira à la nécessité de mettre en place une IA éthique avec explicabilité, transparence et audit.

Selon la Commission européenne[10], l’IA éthique doit répondre à 7 principes :

  1. Facteur humain et contrôle humain : les systèmes d’IA devraient être les vecteurs de sociétés équitables en se mettant au service de l’humain et des droits fondamentaux, sans restreindre ou dévoyer l’autonomie humaine
  2. Robustesse et sécurité : une IA digne de confiance nécessite des algorithmes suffisamment sûrs, fiables et robustes pour gérer les erreurs ou les incohérences dans toutes les phases du cycle de vie des systèmes d’IA
  3. Respect de la vie privée et gouvernance des données : les citoyens doivent avoir la maîtrise totale de leurs données personnelles et les données les concernant ne doivent pas être utilisées contre eux à des fins préjudiciables ou discriminatoires
  4. Transparence : la traçabilité des systèmes d’IA doit être assurée
  5. Diversité, non-discrimination et équité : les systèmes d’IA devront prendre en compte tout l’éventail des capacités, aptitudes et besoins humains, et leur accessibilité devra être garantie
  6. Bien-être sociétal et environnemental : les systèmes d’IA devront être utilisés pour soutenir des évolutions sociales positives et renforcer la durabilité et la responsabilité écologique
  7. Responsabilisation : il convient de mettre en place des mécanismes pour garantir la responsabilité à l’égard des systèmes d’IA et de leurs résultats, et de les soumettre à une obligation de rendre des comptes

Pour répondre aux attentes des clients et se conformer aux recommandations de la Commission européenne, les acteurs devront mettre en place une organisation et une gouvernance adaptée[11] [12]:

  1. Désigner un responsable de l’éthique des systèmes en IA, un Chief Ethics Officer. Il est crucial d’établir un leadership au sommet pour s’assurer que ces questions reçoivent la priorité qui leur est due. Selon la taille de la société et le degré d’utilisation des systèmes en IA ce poste peut ne pas être un plein temps. Les SGP doivent également rendre les dirigeants des fonctions commerciales et technologiques pleinement responsables des résultats éthiques des applications de l’IA qu’ils mettent en place.
  2. Mettre en place une charte éthique ou un code de bonne conduite pour définir l’objectif, le développement et l’utilisation de l’IA. Elle doit devenir un document incontournable pour tous les employés, en particulier ceux qui participent à la conception, au développement et à l’utilisation de l’IA. Une fois que la charte est en place, il est important de traduire la charte en pratiques acceptables pour chaque groupe de parties prenantes. Par exemple, les équipes chargées de la collecte des données pour la formation des systèmes d’IA doivent être tenues de s’assurer qu’elles suivent des pratiques éthiques, par exemple en respectant la vie privée, le consentement et l’autonomie des clients et en veillant à ce qu’elles ne soient pas biaisées pour ou contre un groupe particulier de clients.
  3. Créer un organe de gouvernance chargé de mettre en œuvre des mesures de responsabilisation afin de donner aux clients et aux employés les moyens de faire part de leurs préoccupations concernant les systèmes d’IA par l’intermédiaire de médiateurs, d’autorités de recours et de régulateurs.
  4. Rendre opérationnel tous les aspects de l’IA éthique à l’aide d’un ensemble d’outils technologiques et de meilleures pratiques de conception afin de garantir que le code de conduite devient une réalité effective dans la manière dont la SGP conçoit, construit, déploie, surveille et utilise les modèles d’IA. Les fournisseurs de cloud, les fournisseurs spécialisés et les communautés open source mettent à disposition divers outils et bibliothèques d’algorithmes pour l’IA éthique.
  5. Veillez à ce que des audits éthiques soient réalisés aux étapes clés du cycle de vie du développement de l’IA et à intervalles réguliers par la suite, afin de s’assurer qu’aucun résultat contraire à l’éthique ne passe inaperçu.
  6. Réaliser régulièrement des programmes de formation pour sensibiliser les collaborateurs aux questions éthiques.

La richesse du capital humain

Adaptation du capital humain et gestion du changement

L’adaptation du capital humain à la transformation digitale devra passer par une redéfinition collaborative de l’organisation pour être en mesure d’innover continuellement[13] (voir la fiche : Adaptation du capital humain et gestion du changement).

La gestion du changement est l’enjeu le plus important pour les services financiers. De nombreux métiers de la gestion d’actifs en 2030 n’existent pas aujourd’hui. La pénurie est déjà réelle en talents sur les sciences des données, en IA, blockchain et actifs numériques, mais la demande de ses compétences va exploser dans les années à venir à laquelle se rajoutera les besoins d’expertise en techniques quantiques et en métavers.

Des formations internes sur le no code/low code devront être mises en place afin de permettre à des collaborateurs d’apprendre à développer rapidement des petites applications ou API en seulement quelques jours voire semaines au lieu d’une année minimum pour devenir un développeur en python.

Toutes aussi importantes, les compétences profondément humaines, telles que la créativité, la pensée critique, la collaboration et l’intelligence émotionnelle, seront également essentielles, car elles font partie intégrante de la compréhension et de l’interaction efficace avec les clients et les autres parties prenantes d’une manière qui est difficile à automatiser et qui est aussi indispensable dans le développement des nouveaux outils.

La redéfinition de l’organisation de la SGP passe par la reconnaissance par tous les collaborateurs que l’exécution de leurs missions est augmentée par les outils mis à leur disposition (RPA, IA, blockchain, métavers, machine quantique). La machine est au service de l’humain qui est au service du client, des parties prenantes et de l’organisation.

La flexibilité dans l’organisation du travail sera la norme et le développement des réunions en métavers permettra et facilitera le télétravail. Le défi pour les managers sera de créer une organisation collaborative avec leurs équipes ainsi qu’avec d’autres services ou parties prenantes. L’organisation centrée sur le client aboutira à la disparition des silos d’organisation.

L’importance de la marque

Dans son rapport, « The Future of Asset Management », Accenture rapporte que pour 97% des top dirigeants la marque donne un avantage compétitif puissant et 58% considèrent que leur marque est stagnante ou en déclin.  Pendant longtemps, la SGP a fait son marketing sur sa capacité à générer des performances, la bonne exécution de son style de gestion et sur la qualité de son reporting. Demain, la marque de la SGP, et ce qu’elle véhicule, deviendra un critère déterminant dans le choix du client particulier pour ses solutions d’investissement. Les valeurs et missions qu’incarne la SGP sont le résultat de travaux entre collaborateurs, clients et autres parties prenantes aboutissant à la détermination de l’ADN de sa marque. En 2022, selon Accenture, le client particulier recherche chez une marque l’authenticité, le leadership et le franc-parler.

Innovations technologiques au service de l’expérience client

La SGP utilisera des outils IA pour bien comprendre les attentes des clients et analyser leurs comportements exprimés sur les réseaux sociaux ou sur son CRM afin de lui proposer des solutions d’investissements sur mesure. (voir la fiche : Innovations technologiques au service de l’expérience client).

La confiance dans la marque repose tant sur des critères rationnels qu’émotionnels. Et en 2030, cette confiance prendra en compte l’éthique de l’organisation sur l’utilisation des données et de l’IA, la gestion de sa dépense énergétique, son engagement en termes de mixité/diversité…

Des solutions en termes de mutualisation existent :

  • Création d’une marque commune, comme si une coopérative de SGP créerait « La Ruche qui dit oui » de la gestion ;
  • Création d’un média de marque, à l’instar de cabinet d’audit RSM qui a créé Objectif ETI ;
  • Création d’une communauté de clients avec son animation de façon ludique et interactionnelle. Comme Stitch Fix pour l’habillement, la SGP pourrait proposer des solutions d’investissements sur mesure en fonction des réponses du client au questionnaire qui pourrait inclure du neuroprofiling.

Le travail de la marque se fera pour beaucoup d’acteurs sur le métavers dans l’espace virtuel de la SGP, les avatars des gérants, analystes ou commerciaux.

L’utilisation du métavers par la SGP

Selon le cabinet Gartner, en 2026, un quart de la population devrait passer au moins une heure par jour dans le métavers pour le travail, le shopping, l’éducation, les activités sociales et les loisirs.

Les métavers sont des mondes virtuels qui permettent d’interagir avec d’autres personnages dans le même univers virtuel. Les GAFAM sont les plus grands investisseurs dans la technologie métavers. La probabilité que les GAFAM dominent le métavers comme ils dominent le monde réel est donc forte.

En mai 2022, Dubai Virtual Assets Regulatory Authority (VARA) a annoncé son entrée dans le métavers avec la technologie développée par The Sandbox et elle y a établi son siège social virtuel. Dubai considère qu’avec sa stratégie sur le metavers (The Dubai Metaverse Strategy) l’apport à l’économie locale sera de 4 milliards de dollars en 2030 avec la création de 42 000 emplois[14].

La plupart des secteurs économiques étudient ou interviennent sur le métavers. Le secteur financier[15] se situe parmi les secteurs au fort taux d’adoption et au montant d’investissement dans le budget digital significatif à horizon 2025-2027.

Dans son rapport sur le metavers, McKinsey analyse comment son utilisation va impacter la chaine de valeur de différentes industries, dont les services financiers tel que présenté ci-dessous. Les acteurs, dont les SGP, pourront créer de nouveaux produits et services, notamment en finance décentralisée. Son utilisation offre une nouvelle possibilité d’acquisition de client, un travail de la marque renouvelé et une amélioration de l’expérience client tout en réduisant les coûts et en augmentant l’efficience opérationnelle.

 PROJETPRODUITPROMOTIONPLUS-VALUE
Exemple de cas d’usageInnover avec de nouveaux modèles commerciaux et de nouvelles sources de revenusPermettre de faire des opérations avec une productivité et une collaboration élevées, et des coûts réduitsUne image de marque, un marketing et une expérience utilisateur attrayants.De nouveaux produits et services avec un parcours client fluide
Services financiers

De nouveaux produits et services en lien avec le metavers (par exemple la DeFi).
Permettre un engagement immersif de la marque.
Proposer des services numériques fiables, notamment pour les paiements, les identifications et les signatures numériques. Exemple : Prêts Lombard avec garantie numérique, financement de NFTs et autres innovations.Poursuivre la numérisation des paiements et de l’infrastructure des services. Structures financières décentralisées (DeFi) favorisant l’efficacitéServices financiers contextuels, par exemple pour les prêts à la consommation ou les assurances.
Acquisition numérique de nouveaux clients. Engagement immersif et metavers de la marque.
Service client révolutionné, améliorant l’expérience client (avec des outils virtuels). Offre financière entièrement personnalisée grâce aux données du metavers.
Source : McKinsey « Value creation in the metaverse » report, 2022

En février 2022, JP Morgan a ouvert un salon dans le métavers Decentraland et devient la première grande banque à utiliser cet espace virtuel. Selon ses prévisions, les dépenses publicitaires y pèseront plus de 18 milliards en 2027. Dans un rapport d’étude que la banque d’affaires a publié sur le métavers, il est écrit : « Nous ne sommes pas ici pour suggérer que le métavers, tel que nous le connaissons aujourd’hui, prendra le dessus sur toutes les interactions humaines, mais plutôt pour explorer les nombreuses opportunités passionnantes qu’il présente pour les consommateurs et les marques. ».

Un mois après, HSBC a annoncé avoir acheté des terrains virtuels sur le métavers de The Sandbox afin de créer des expériences innovantes de marque pour des amateurs de sports, d’e-sports et de jeux. Déjà, Havas goup et Carrefour ont mené des campagnes de recrutement dans le métavers.

Mais, de la même façon que la valeur des crypto monnaies et des NFT s’est effondrée en 2022, entre novembre 2021 et juin 2022, les prix des transactions immobilières dans le métavers sur Decentraland comme sur TheSandbox ont chuté de 97 %, selon les données fournies par WeMeta. Il est clair que comme pour les crypto-actifs, l’évolution du marché du métavers connaitra périodes de crise et de croissance avant d’atteindre une certaine maturité. Au fur et à mesure que le métavers prendra une part plus importante des interactions humaines, pourraient apparaitre des services de financement et d’investissement pour les projets du métavers, tels que des fonds d’investissement spécifiques au métavers.

La tokenisation des actifs au bénéfice du financement de l’économie et de l’épargne

Introduction crypto actifs & blockchain (DLT)

En 2030, le régime pilote sur les security tokens sera arrivé à son terme et devrait avoir conduit à l’adaptation des réglementations sur les instruments financiers (UCITS, AIFMD, MIFID, CSDR, MIFIR…) à l’utilisation de la DLT dans la chaîne de valeur de l’investissement (voir la fiche : Introduction aux crypto-actifs, à la blockchain (DLT) et à la finance décentralisée (DeFI)

Pendant la mise en application du régime pilote (2023-2029) des infrastructures de marchés, plateformes d’échange, conservateurs et nouveaux acteurs ayant ces deux métiers, auront montré sur la base de « use cases » les opportunités créées par l’investissement en security tokens. Ainsi, des acteurs traditionnels d’infrastructures de marchés et des nouveaux entrants auront contribué à rendre la chaine de valeur plus simple tant sur la partie marchés, primaire et secondaire, que post marché, avec réduction des délais et des coûts. Aussi, les SGP auront pu déjà mettre en place des mandats ou des FPS (Fonds Professionnels Spécialisés) pour répondre à la demande croissante de leurs clients professionnels.

En 2030, la règlementation MiCA aura été en application depuis six ans. Les SGP auront développé des activités de conseil et de gestion auprès de clients particuliers et professionnels sur des actifs numériques, autres que des security tokens, comme des stablecoins, des Asset Referenced Tokens (ART) ou des utility tokens. Certains PSAN (Prestataires en Services en Actifs Numériques) devenus CASP (Crypro Assets Services Providers) auront bénéficier du passeport pour adresser des pays cibles de l’Union européenne pour leur développement.

A horizon 2024-2026[16], 86% des investisseurs professionnels interrogés investiront en crypto, soit pour la première fois (5%), soit par augmentation modérée de leur allocation (42%), soit par augmentation significative (39%). Cette détention se fera directement, pour 53% des investisseurs répondants concernés ou au travers d’ETF contenant des crypto (35%). Grâce à l’allocation en actifs numériques, les professionnels seront en mesure de proposer des solutions d’investissements mélangeant aisément actifs cotés et non cotés permettant ainsi aux investisseurs d’accéder à des actifs actuellement illiquides, comme l’immobilier et le capital investissement, ou à des actifs peu corrélés et d’améliorer ainsi le couple rendement/risque. Il est raisonnable de penser que la part des actifs non cotés va fortement s’accroître dans ces nouvelles solutions d’investissement.

La tokenisation des actifs traditionnels va représenter une nouvelle source de financement de l’économie. Ces actifs pourront être de l’immobilier, des parts de sociétés, de la dette corporate, des projets d’infrastructures ou des parts de fonds…et être achetés tant par des investisseurs particuliers que professionnels. La réglementation MICA et le régime pilote auront permis la création de marchés secondaires qui devraient assurer la liquidité (voir la fiche : Offre de gestion en crypto-actifs).

La tokenisation des actifs pourra permettre de découper les actifs en tranches, divisant la propriété en parts plus petites que celles généralement proposées dans les actions et les obligations. Les investisseurs, et notamment les particuliers, pourront ainsi avoir accès à des classes d’actifs et à des risques qui, généralement sont peu accessibles comme par exemple, la participation à des fonds de capital-investissement[17]. Elle va ainsi améliorer l’accès au financement des PME en permettant notamment aux particuliers de financer indirectement ou directement des projets de PME. Ce flux de financement privé générera une allocation plus efficace des capitaux au sein de l’économie et augmentera l’inclusion, non seulement du côté des investisseurs, mais aussi pour les demandeurs de capitaux qui ne peuvent accéder aux marchés des capitaux autrement.

Le financement des PME et de l’économie réelle sera facilité aussi par la tokenisation des fonds.[18]

L’implication croissante des investisseurs institutionnels dans les marchés de actifs numériques pourrait à l’avenir conduire à une interconnexion accrue entre la finance traditionnelle et la finance décentralisée et de nouveaux risques sur le système financier traditionnel et l’économie réelle pourraient apparaître.[19]

La finance décentralisée ou DeFi

La finance décentralisée s’apparente à un système financier alternatif fondé sur les technologies blockchains et sur des stablecoins.

Elle se distingue du système financier traditionnel par trois caractéristiques :

  • il est nativement numérique,
  • il fonctionne sur des infrastructures décentralisées,
  • il est ouvert à tous, même aux populations dans le monde exclues du système financier traditionnel.

Le tableau ci-dessous, élaboré par la Banque des règlements internationaux, illustre les activités de services d’investissement en finance traditionnelle (TradFi), finance décentralisée (DeFi) et finance centralisée (CeFi). La différence entre les 2 dernières est le type de blockchain utilisée. La DeFi est fondée sur des blockchains non permissionnée, c’est-à-dire ouvertes, majoritairement Ethereum, où quiconque peut valider les transactions. La CeFi est fondée sur des blockchains permissionnées c’est-à-dire privées, où les intervenants sont reconnus et acceptés pour valider les transactions.

Les noms entre parenthèses sur le tableau correspondent aux acteurs principaux de l’activité. En juin 2022, Grayscale, acteur important apparaissant sur le tableau pour les fonds crypto sur la CeFi, s’est vu refuser par la SEC l’agrément pour la transformation de son Grayscale Bitcoin trust en ETF[20]. En juillet 2022, à la suite du crash sur les crypto-actifs, Celsius, mentionnée pour l’activité de prêt en CeFi, a fait faillite[21].

Fonction Service Ecosystème crypto Finance traditionnelle
Finance décentralisée (DeFi) Finance centralisée (CeFi)
Trading Transfert de fonds DeFi stablecoins (DAI) CeFi stablecoins (USDT, USDC) Plateformes traditionnelles de paiement
Trading d’actifs Actifs Crypto DEX (Uniswap) Crypto CEX (Binance, Coinbase) Bourses et courtiers de gré à gré
Trading de dérivés Dérivés DEX de Crypto (Synthetix, dYdX)
Prêt Prêts sécurisés Plateformes décentralisées de prêts en Crypto (Aave) Plateformes centralisées de prêts en Crypto (BlockFi, Celsius) Courtiers spécialisés dans la mise en pension et le prêt de titres
Prêts non-sécurisés Crypto crédit délégation (Aave) Banques Crypto banks (Silvergate) Banques commerciales et prêteurs non bancaires
Investissement Véhicules d’investissement Portefeuilles Crypto décentralisés (yearn, Convex) Fonds Crypto (Grayscale, Galaxy) Fonds d’investissement
CEX = échanges centralisés ; DEX = portefeuilles décentralisés ; OTC = over-the-counter ; USDC = USD Coin ; USDT = Tether
Les exemples illustratifs sont donnés entre parenthèses
Source : BIS- DEFI risk and decentralization illusion, December 2021

Les actifs financiers tokenisés pourraient aussi être utilisés comme garantie dans les protocoles DeFi au lieu des crypto-actifs traditionnels ou des stablecoins afin de débloquer des liquidités et obtenir un effet de levier sur des actifs préexistants par le biais d’un protocole DeFi.

La finance décentralisée représente une évolution majeure des services financiers et est créatrice d’opportunités pour l’industrie de la gestion d’actifs. Mais en 2030, quelle proportion de la finance, la finance décentralisée représentera-t-elle ? La réponse dépendra de la réglementation qui sera mise en place apportant les règles de protection de l’investisseur, d’intégrité de marché, de lutte anti-blanchiment comme elles existent dans la finance traditionnelle.  C’est tout l’enjeu des régulateurs et des acteurs dans les prochaines années.

Le développement de la DeFi dépendra aussi de la fiabilité des stablecoins qui constituent le maillon de financement entre finance traditionnelle et finance décentralisée. Les principaux stablecoins affirment « pegger » leur valeur sur une devise fiat, principalement le dollar en 2022, en ayant en réserve le montant équivalent, en devise fiat ou en papier commercial, à leur valorisation. Mais le crash sur les cryptos actifs en mai-juin 2022 a montré que même les stablecoins les plus liquides peuvent s’effondrer. L’UST, un des stablecoins les plus répandus dans les portefeuilles des particuliers comme des gestionnaires d’actifs cryptos, ne valait plus que 0,04 USD au 17 juillet 2022 alors qu’il était à parité avec le dollar début mai 2022[22]. Entre mai et juin 2022, plus de 1 000 milliards de dollars de capitalisation en crypto-actifs ont ainsi été effacés.

Les stablecoins constituent l’une des bases fondamentales des marchés DeFi, mais sont en même temps l’un des plus grands points de vulnérabilité des marchés financiers décentralisés. Les stablecoins sont associés à des risques importants liés à la forte concentration en termes d’émetteurs (les deux principaux stablecoins représentaient 70% du marché en février 2022), aux faiblesses autour de la transparence des réserves, au manque de clarté concernant les droits de remboursement des détenteurs ainsi qu’aux risques opérationnels (par exemple, le risque cyber).[23]  La mise en place d’une monnaie numérique de banque centrale (MNBC) réduira ce risque. L’existence d’une telle monnaie permettrait de remplacer les stablecoins utilisés pour le cash management dans le cadre du régime pilote, apporterait de la confiance aux transactions sur les DeFi et CeFi.En juillet2022, la Banque de France a annoncé le lancement de la deuxième phase d’expérimentation en MNBC avec pour objectif son utilisation comme actif de règlement en 2023 et qui serait applicable au régime pilote[24].

La création d’une monnaie numérique banque centrale de gros contribuera à l’essor de la tokenisation des actifs, au développement de nouveaux services de gestion et à la sécurité des investissements tant pour les épargnants que pour les professionnels.

Une future intégration de la finance décentralisée dans le système financier actuel pourrait avoir un impact bénéfique sur les marchés financiers traditionnels, en termes d’efficacité, de concurrence, de baisse des coûts de transaction, de réduction des délais de transactions et de règlement et enfin de réduction du risque de contrepartie. Elle pourrait induire la refonte des processus post-marché et de l’intermédiation financière. La mise en place du régime pilote est la première étape de cette intégration. Et l’ampleur de la pénétration de la DeFi dans la TradFi dépendra aussi de la capacité à réduire le risque cyber. En 2021, 10 milliards de dollars ont été volés à partir de smart contracts, logiciel ou wallets dont plus de 2 milliards à partir de la DeFi uniquement, soit une progression de 1300% par rapport à 2020[25]. Enfin, l’interopérabilité avec les infrastructures de marchés financiers traditionnels sera aussi un élément décisif de l’importance de l’intégration de la DeFi.

En conclusion, comme l’écrit l’OCDE dans son rapport publié en 2022« Institutionnalisation of crypto asset & DEFI », « les actifs numériques sont l’une des évolutions les plus importantes ayant eu un impact sur le secteur des services financiers au cours des dernières années et ils joueront un rôle prépondérant dans la transformation numérique du secteur dans les années à venir. »

Comment la finance numérique s’intègre-t-elle dans la finance durable ?

Nouveaux usages technologiques dans le cycle d’investissement

Il y a plusieurs niveaux de réponse à cette question. Est-ce que l’utilisation de la blockchain a un impact positif sur la dépense énergétique de l’écosystème de la gestion d’actifs ? Clairement, en 2022, la réponse est non car la création d’infrastructures blockchain existe en parallèle des systèmes existants puisqu’elle s’applique à une portion de transactions ou de fonds. Mais en 2030, sur plusieurs fonctions, les infrastructures blockchain auront remplacé celles de la TradFi, quand plus performantes. Quel sera alors le bilan énergétique ?

La validation des blocks appelée le minage peut être exécutée selon plusieurs méthodes : preuve de travail (Proof of Work) pour le Bitcoin et l’Ethereum (jusqu’à septembre 2022), preuve d’enjeu (Proof of Stake) que fait, depuis le 15 septembre 2022, Ethereum et preuve d’enjeu déléguée (Delegated Proof of Stake) pratiqué par Tezos.

Selon l’Association pour le Développement des Actifs numériques, l’ADAN, la consommation énergétique annuelle du réseau Bitcoin est estimée en 2021 entre 90 TWh et 160 TWh selon les études et les méthodologies adoptées, dont une partie issue d’énergies renouvelables. La consommation annuelle du réseau Ethereum est évaluée à 74,6 TWh. Maintenant que le minage sur Ethereum se fait en PoS, sa blockchain devrait réduire sa consommation d’énergie de 99,95%, selon la communauté Ethereum.

En avril 2021, le Crypto Climate Accord porté par Energy Web, l’Alliance for Innovative Regulation et soutenue par plus d’une vingtaine de signataires (parmi lesquels des acteurs traditionnels comme Engie et EDF via sa filiale Exaion), promeut la décarbonation urgente de l’industrie des crypto-actifs et propose trois objectifs (possiblement ajustables) :

  1. Permettre à toutes les blockchains de fonctionner grâce à un mix énergétique composé exclusivement d’énergies renouvelables d’ici 2025,
  2.  Mesurer les émissions de CO2 de l’industrie en développant un standard comptable open source, et
  3. Atteindre d’ici 2040 un total net nul de ces émissions (ADAN)

La finance numérique par ses efforts intègre progressivement la finance durable.

Vision 5 à 10 ans

Ce qu’il faut retenir

A partir des attentes et des besoins de leurs clients, les sociétés de gestion devront adapter leurs services à horizon 2030. Les innovations technologiques seront une clef dans la formulation des réponses aux besoins de ces clients. L’utilisation de l’IA, la tokenisation des actifs, la formation aux techniques de programmation de tous les collaborateurs, le recours aux metavers et à la finance décentralisée seront autant d’atouts que les sociétés de gestion devront maitriser.